Effectivement, l'illusion s'avère le maitre mot ; l'illusion de cette fidélité à l'écrit initial préfigurant toutes les autres et s'inscrivant comme le procédé qui sous-tend la conception et les thématiques de tout le film.
A l'identique, comme il se complait à diluer copieusement l'horreur dans la guimauve, Coppola se permet d'établir clairement un lien entre Dracula, le personnage de fiction et Vlad Tepes, historiquement réel et célèbre pour sa cruauté, représentant dès son (beau) prologue le "héro" en un redoutable guerrier chrétien en lutte contre l'invasion turque (La mort manigancée de son épouse le pousse à renier le dieu qui armait son combat et à choisir le camp des Ténèbres, dans une genèse du mythe à mon sens aussi supperflue que fumeuse ! (la seule beauté des images justifie à peine l'existence de cette introduction (cohérente du point de vue du film, elle trahit et dénature complètement l'esprit du roman dont il se réclame l'ultime adaptation!))).
Les seuls points sur lesquels le réalisateur peut réellement revendiquer sa fidélité au matériau écrit, résident dans le respect global d'une trame ailleurs maintes fois remaniée, édulcorée et raccourcie et dans les retranscriptions de l'originalité narrative et de cette dimension épistolaire du roman originel (Dracula, le livre, se présente comme un assemblage de fragments de journaux intimes, de lettres et de correspondances) ;
Mais, là où la thématique de la transmission (écrite, informative ...) épousait habilement celle de la transmission vampirique (virale, étrangère, (im)mortelle, érotique ...), tout, ici, se dilue, au final, dans une sorte de resucée grotesque de "La Belle et la Bête".
Si le titre était donc trompeur, le contenu l'est tout autant : De l'Epouvante il ne subsiste rien que les oripeaux. Les scènes d'effroi sont constamment traitées comme des tableaux ou des opéras (souvent fort belles, parfois grotesques et à côté de la plaque !) Et là encore, tout s'affirme si démonstratif, si enluminé et dépourvu d'enjeux et de tension que le spectateur, presque pris en otage par les excès de la mise en scène, ne sait bientôt plus que penser : applaudir ou s'ennuyer gentiment en attendant la salve suivante ...
Tout le problème de cette adaptation tient donc aussi à cette main-mise esthétique et formelle qui toujours enrobe, exagère, travesti et gonfle tout au détriment du rythme, de l'intrigue et de la mécanique dramatique ou psychologique.Noyés dans les décors roccoco et les costumes impeccables, sous les effêts de lumière, les trucages et les déluges sonores et musicaux, les protagonistes n'ont que deux alternatives : surjouer et cabotiner avec plus ou moins de bonheur ( Anthony Hopkins, Gary Oldman, Tom Waits ...) ou essuyer les plâtres de leur involontaire inconsistance (non, je ne m'acharnerai pas contre le pauvre Keanu Reeves, Wynona Ryder/Mina ne réussit rien de beaucoup plus concluant !)
(à suivre...)