Attention, spoilers !

La plupart des critiques et des développements proposés dévoileront des indices et des informations qui pourraient fausser l'effêt de surprise et révèler les dessous et les résolutions des oeuvres citées ...

A bon entendeur ...


Que cela ne vous empêche pas de me visiter, de me lire et de me laisser vos remarques.

lundi 21 septembre 2009

Créatures 1 / Vampires : Dracula (Coppola)














DRACULA


1897 - Jonathan Harker se rend en Transylvanie afin de conclure une vente immobilière : en effêt, son client, le comte Dracula désire s'installer à Londres.
Rapidement, le jeune homme, témoin de faits de plus en plus étranges, ne va pas tarder à découvrir la terrible réalité : Dracula est un vampire très puissant !
Retenu prisonnier, Harker ne doit son salut qu'à sa bonne étoile ; il réussit à s'échapper presque plus mort que vif ...
Pendant ce temps, le monstre a déjà débarqué en Angleterre où il croit retrouver en Mina, la fiancée de Harker, une réincarnation de la femme qu'il adora près de 400 ans auparavant !
La belle, de son côté, s'avère plus que troublée.
Mais la bête amoureuse n'en demeure pas moins redoutable ; ses morsures transforment irrémédiablement ses victimes en morts vivants affamés de sang ...
Et lorsque Mina, littéralement vampée, choisit par amour de rejoindre le camp des Ténèbres, il ne reste plus comme seul recours pour espèrer la sauver que la traque et l'anéantissement de Dracula.


Oeuvre de commande traitée sur un mode opératique et grandiloquent, ce "Dracula" se présente d'entrée comme une énième grosse machine hollywoodienne : casting trois étoiles, mise en scène ouvertement spectaculaire, couleurs flamboyantes et digest honorable de l'oeuvre éponyme. Coppola, ici à nouveau plus "rital" que jamais (les outrances, le mauvais gout, la sensualité ... ???), se targue un peu hâtivement de délivrer la version la plus fidèle du roman, affichant dès le titre "Bram Stocker's Dracula" ses ambitions et ses semi-vérités.

Effectivement, l'illusion s'avère le maitre mot ; l'illusion de cette fidélité à l'écrit initial préfigurant toutes les autres et s'inscrivant comme le procédé qui sous-tend la conception et les thématiques de tout le film.
A la vision de cette oeuvre, on ne peut s'empêcher d'éprouver un brin d'agacement, finalement mitigés dans nos impressions :
on en a pris plein la vue ;
les péripéties se sont enchainées sans heurts ni temps morts ;
le mélange épouvante/romance (blockbuster oblige !!!) a pu satisfaire nos attentes de frissons autant que de violons ...
Cependant, demeurent une sorte d'insatisfaction et le sentiment confus d'avoir assisté à un semi-ratage en dépis des atouts indéniables de ce "nouveau" "Dracula".
A qui et à quoi la faute ?
A la raideur des personnages et au manque de surprise et d'audace de leurs interprétations ? Aux répétitions de moins en moins concernées (et donc de moins en moins convaincantes) de l'intrigue ?
A ce dernier quart d'heure notamment, expédié sans plus d'âme ni d'originalité, et pour tout dire baclé ?
A la place, finalement infime, laissée au mystère et à la poésie qui auraient pourtant si bien servi le propos ... ?
Beau, rutilant, fier de ses attribus, le film feint l'emphase et la générosité alors qu'au final, l'enrobage, qui avait tout d'abord emporté notre adhésion, révèle toute sa vacuité et ses limites ! Acceptons-le d'emblée, de manière à avoir l'appréhension la meilleure de cette oeuvre : ici, tout est toc !

Des surrimpressions ornementales à l'utilisation appliquée des couleurs complémentaires, des beaux mate-paintings à ce brouillard fluorescent ...
Décors impeccables et surchargés, garde-robe très (trop ?) réfléchie et multi-référentielle, érotisme facile, musique omniprésente, travail sur le son et la photographie ostentatoires, transformations et maquillages monstrueux ;
Le héro maléfique déploie ici une galerie de "visages" digne de Fantomas : vieillard à gueule de Glen Close emperruquée et centenaire puis dandy au look de rock-star pour midinettes, loup-garou priapique, créature mi homme, mi chauve-souris, cocon humain ou monstre racorni ... tout cela, va sans dire, à grand renfort de latex ...













On a pu lire ou entendre au sujet des trucages que Coppola s'était "ingénié" à n'utiliser volontairement que des effêts spéciaux artisanaux, "manuels" et presque désuets, pour une sorte d'hommage à l'age d'or du cinéma (et aux nombreuses autres adaptations plus anciennes du mythe) ; et, en fin de compte, ça fonctionne plutôt bien.
Là où le bat blesse, c'est que, finalement, trop c'est trop !
Tout est vu et montré ! Parfois astucieusement (les scènes du début dans le chateau de Dracula ; les scènes concernant la vampirisation de Lucy ...), parfois maladroitement (les rendez-vous de Mina et de Dracula ; l'asile psychiatrique ...) ne laissant plus aucune place à la suggestion, au doute, au mystère ni même à l'effroi qui comptent pourtant comme les bases même du Fantastique !
Et même si Coppola parvient à nous emporter sur son grand manège digne des attractions de la Foire du trône, même si la première vision de son oeuvre nous surprend par l'opulence, les chatoyances et l'abattage d'une mise en scène extravertie, l'enchantement (s'il a eut lieu !) ne manque pas de retomber dans la deuxième moitié du mètrage.
Le choix de la romance, après tout honorable à priori, nuit, selon moi, à l'équilibre et à la réussite d'une oeuvre pour finir en fait totalement réinterprétée. Le monstre gagne ici une humanité qui sappe les bases mêmes du mythe !
Dracula n'est plus cette bête fascinante et fantastique qui drainait pèle-mèle le sexe, la mort et toute une passionnante fantasmatique, mais un guerrier blessé et maudit par amour retrouvant finalement sa dulcinée et une quasi-rédemption !
Rien à voir décidément avec la créature redoutable née de l'imagination de Bram Stocker !

A l'identique, comme il se complait à diluer copieusement l'horreur dans la guimauve, Coppola se permet d'établir clairement un lien entre Dracula, le personnage de fiction et Vlad Tepes, historiquement réel et célèbre pour sa cruauté, représentant dès son (beau) prologue le "héro" en un redoutable guerrier chrétien en lutte contre l'invasion turque (La mort manigancée de son épouse le pousse à renier le dieu qui armait son combat et à choisir le camp des Ténèbres, dans une genèse du mythe à mon sens aussi supperflue que fumeuse ! (la seule beauté des images justifie à peine l'existence de cette introduction (cohérente du point de vue du film, elle trahit et dénature complètement l'esprit du roman dont il se réclame l'ultime adaptation!))).










Les seuls points sur lesquels le réalisateur peut réellement revendiquer sa fidélité au matériau écrit, résident dans le respect global d'une trame ailleurs maintes fois remaniée, édulcorée et raccourcie et dans les retranscriptions de l'originalité narrative et de cette dimension épistolaire du roman originel (Dracula, le livre, se présente comme un assemblage de fragments de journaux intimes, de lettres et de correspondances) ;

Mais, là où la thématique de la transmission (écrite, informative ...) épousait habilement celle de la transmission vampirique (virale, étrangère, (im)mortelle, érotique ...), tout, ici, se dilue, au final, dans une sorte de resucée grotesque de "La Belle et la Bête".

Si le titre était donc trompeur, le contenu l'est tout autant : De l'Epouvante il ne subsiste rien que les oripeaux. Les scènes d'effroi sont constamment traitées comme des tableaux ou des opéras (souvent fort belles, parfois grotesques et à côté de la plaque !) Et là encore, tout s'affirme si démonstratif, si enluminé et dépourvu d'enjeux et de tension que le spectateur, presque pris en otage par les excès de la mise en scène, ne sait bientôt plus que penser : applaudir ou s'ennuyer gentiment en attendant la salve suivante ...

Tout le problème de cette adaptation tient donc aussi à cette main-mise esthétique et formelle qui toujours enrobe, exagère, travesti et gonfle tout au détriment du rythme, de l'intrigue et de la mécanique dramatique ou psychologique.

Noyés dans les décors roccoco et les costumes impeccables, sous les effêts de lumière, les trucages et les déluges sonores et musicaux, les protagonistes n'ont que deux alternatives : surjouer et cabotiner avec plus ou moins de bonheur ( Anthony Hopkins, Gary Oldman, Tom Waits ...) ou essuyer les plâtres de leur involontaire inconsistance (non, je ne m'acharnerai pas contre le pauvre Keanu Reeves, Wynona Ryder/Mina ne réussit rien de beaucoup plus concluant !)

(à suivre...)