Attention, spoilers !

La plupart des critiques et des développements proposés dévoileront des indices et des informations qui pourraient fausser l'effêt de surprise et révèler les dessous et les résolutions des oeuvres citées ...

A bon entendeur ...


Que cela ne vous empêche pas de me visiter, de me lire et de me laisser vos remarques.

lundi 22 novembre 2010

Deliziosi Gialli 15 : Macchie Solari / Autopsy / Frissons d'horreur







MACCHIE SOLARI   / AUTOPSY






Simona, jeune médecin employée à la morgue, achève une thèse sur l'influence du soleil sur les comportements ; justement, la canicule sévit et une curieuse vague de suicides parait frapper Rome au mois d'août.
Impliquée malgré elle dans la mort violente et suspecte d'une jeune voisine, Simona va se retrouver propulsée au coeur d'une enquête pour le moins cauchemardesque.
Tour à tour menaçantes ou menacées, toutes les personnes dans son entourage ne sembleront bientôt plus participer qu'à d'étranges et mortels complots dont l'issue terrifiante se révèlera sa propre élimination : un assassinat qui ne manquerait évidemment pas d'être lui aussi  maquillé en suicide !


Assistant passé réalisateur, Armando Crispino participa comme comme bon nombre de ses confrères de l'époque au développement du cinéma bis transalpin  : western, film de guerre, comédie ...
Au final, neuf films seulement dont deux gialli assez notables au compte desquels cet étonnant "Macchie solari" (à mon sens, nettement plus travaillé, déviant et abouti que son "frangin" "L'Etrusco uccide ancora" ...)
Plus que tout, ce qui marquera indubitablement ici, c'est cette inspiration joyeusement malsaine et proprement étouffante : le giallo se fait volontiers plus cru, assèché, dérangeant à l'image des cadavres spectraux et grotesques dissèqués à la morgue, de ceux, torturés, démembrés ou difformes, dont les clichés insoutenables trônent sur les tables de salon ou dans les musées de la police criminelle ...






 D'une grande cohérence aussi bien thématique que plastique, cette oeuvre part d'une idée et d'un point de départ plutôt intrigant (le soleil tappe anormalement sur les cerveaux ...) pour broder un polar horrifique qui, s'il cède au final aux conventions habituelles ne manque cependant ni d'effêts ni de surprises assez mémorables !
Bien entendu, les révélations de la dernière partie et les embrouillaminis quelque peu tirés par les cheveux de l'intrigue s'avèreront beaucoup plus classiques et rebattus que ce que l'on aurait pu attendre ... Pas bien grave !
Crispino attaque fort dès le départ, détaillant avec une morbidité glaçante les élans suicidaires (et spectaculaires !) des habitants de Rome  : Une jeune femme s'ouvre les veines ; un homme s'étouffe d'un sac plastique avant de se noyer ; un autre provoque l'explosion de la voiture dans laquelle il rotira ; un père de famille se termine au fusil après avoir éliminé ses enfants ...
La musique oppressante d'Ennio Morricone souligne encore davantage l'énigme violente des images de râles exangues et fantomatiques.


D'office, la mort est introduite et stigmatisée ; crûment, terriblement, avec un réalisme dépourvu d'échappatoires ou de flamboyance.
"Macchie solari" ne se départira d'ailleurs pas de cette atmosphère très morbide.


La troisième séquence, atroce et grotesque à la fois, présente l'héroïne sur son lieu de travail : une morgue "envahie" par les cadavres. La bidoche humaine dissèquée sans états d'âme, la nudité blaffarde des macchabées, la trivialité des organes et des corps découpés, la fatigue et la fragilité de Simona ... débouchent rapidement sur l'onirisme décalé de ses hallucinations :  les morts ricanent et se redressent, obscènes ; ils la menacent d'une sexualité plus que suggestive ... 





Car le sexe occupe évidemment une place non négligeable au sein de cette histoire (comme dans tout véritable giallo !) : Simona s'avère frigide ; la première victime a participé à une sorte de complot sexuel (elle a séduit un homme pour mieux le manipuler) ; une partie de jambes en l'air s'échaffaude lors d'un diaporama érotique ; les hommes se révèlent presque tous obsédés, libidineux et des violeurs en puissance et les cadavres eux-mêmes copulent à même le sol de la morgue ...



Bien entendu, à l'instar de son personnage principal quelque peu perturbé, la sexualité ne s'avère jamais facile ni joyeuse ; tout au contraire : agressive, refusée, rebutante ou vénale, elle ne se conjugue en continu que sur un mode négatif !
Et lorsque Simona parvient enfin à faire l'amour avec son partenaire (après plusieurs "échecs" cuisants !), c'est en pensant à un autre qu'elle réussit à éprouver du plaisir (un autre qui n'est rien moins que prêtre vouant inmanquablement leur relation à la chasteté et ramenant là encore la jeune femme à son aversion à l'égard du sexe !)


La chaleur (ces fameuses taches solaires du titre italien) ne sous-entend donc ici aucun rut décomplexé mais plutôt une sécheresse insupportable qui ne peut logiquement déboucher que sur la mort !
Dans ce sens, il est d'ailleurs amusant de constater que les déclinaisons thématiques amenées par le présupposé de cette chaleur (le soleil, l'excitation des sens, la nudité des corps, l'eau et la soif ...) se révèlent systématiquement renversées ( on a très chaud mais la froideur reste constamment de mise ( Edgar traite Simona de "petit glaçon" !) ; le sexe est dans tous les esprits et pourtant rarement réalisé ou épanoui ; les corps nus ne renvoient guère finalement qu'aux dépouilles blaffardes de la morgue et à la rigidité cadavérique ; les boissons sont droguées et les fleuves et les eaux n'évoquent jamais que catastrophes et suicides ...)

L'empêchement règne en maitre.
Les vies et les destins, contrariés, dramatiques, dressent le même sinistre bilan :
Simona se refuse à l'épanouissement "traditionnel" ; Paul a abandonné une carrière brillante de pilote automobile pour rentrer dans les ordres ; Elizabeth est une paumée, Danièle une alcoolique et Edgar un malade, déchu de ses droits par sa famille ...)







Et si, au final, le réalisateur préfère s'attacher aux aspects les plus "logiques" de son histoire (le cauchemar de Simona et toute cette histoire de faux suicide(s) ...) sacrifiant à une résolution assez rebattue (encore une histoire de fric et d'interet !), on retiendra surtout l'onirisme glauque et suffocant distillé en parallèle, une première demi-heure vraiment intrigante et morbide, le rafistolage impressionnant du cadavre d'Elizabeth, les pièges et les horreurs du musée de la Police criminelle, les terreurs et la parano grandissantes de l'héroïne ...





(à suivre ...)