Attention, spoilers !

La plupart des critiques et des développements proposés dévoileront des indices et des informations qui pourraient fausser l'effêt de surprise et révèler les dessous et les résolutions des oeuvres citées ...

A bon entendeur ...


Que cela ne vous empêche pas de me visiter, de me lire et de me laisser vos remarques.

samedi 26 février 2011

Deliziosi Gialli 21 : La Dame rouge tua 7 fois / The Red Queen kills seven time






LA DAME ROUGE TUA 7 FOIS
THE RED QUEEN KILLS SEVEN TIME
LA DAMA ROSSA UCCIDE SETTA VOLTE






Une menace ancestrale pèse sur la famille Wildenbruck :
La légende raconte que deux soeurs rivales, la reine noire et la reine rouge, se seraient affrontées au point que la première assassina la seconde ; la dame rouge revint alors d'entre les morts pour assouvir sa vengeance et tuer 7 personnes, terminant par celle qui avait cru l'éxécuter de 7 coups de poignard ... et les faits sont appelés à se reproduire tous les cent ans, frappant irrémédiablement leurs descendants d'une terrible malédiction.
Ainsi, lorsque Kitty Wildenbruck tue accidentellement sa soeur Evelyn et qu'elle se laisse persuader de tout dissimuler, faisant croire que la morte a migré pour les Etats-Unis, elle ne soupçonne pas que la vengeance de la reine rouge est à nouveau en marche !
En effêt, quelque temps plus tard, les membres de son entourage, son grand-père, son patron, sa collègue ... sont brutalement assassinés.
Les témoins auraient apercu une femme étrange, vêtue d'une cape rouge, une femme dont la description et le portrait-robot correspondent en tous points à Evelyn, celle-là même qui est sensée pourrir au fond des souterrains du château familial ... 



Attention, Giallo emblématique !
"La dame rouge tua 7 fois" semble effectivement convoquer tous les meilleurs ingrédients du genre :
un sombre complot familial,



un tueur (ou plutôt une tueuse (?)) vraiment mémorable,



du trauma pas digèré,


des meurtres variés et assez spectaculaires,




des pépées bien roulées,



l'univers idéal de la mode et des mannequins,




une intrigue embrouillée à souhait et son lot considérable de suspects ... à quoi vient s'ajouter un enrobage gothique du plus bel effêt : du château, du souterrain, des rats et des cauchemars ...







Emilo P. Miraglia a visiblement bien potassé ses classiques et il s'approprie et remixe finalement très honorablement les idées de ses maitres et confrères Bava, Freda et Argento.
La recette reste traditionnelle mais la combinaison imaginative des divers ingrédients et l'aspect joliment fantastique ménagent plutôt de bonnes surprises.


Le cinéaste avait réalisé un autre "Gothic-giallo" ("The Night Evelyn came out from grave" sur lequel je ne manquerai pas de revenir prochainement) ;
On y trouvait déjà ce mélange intéressant du thriller et du fantastique le plus baroque, ce mariage d'Edgar Alan Poe et d'Agatha Christie, entre Ann Radcliffe et Edgar Wallace ...












La Dame rouge.
Miraglia a compris toute l'importance des fétiches et des symboles.
Sa tueuse ricanante et blaffarde restera sans doute l'une des plus séduisantes représentations de la mort giallesque.
Tant pis si le final forcément résolutif sappe net le parfum onirique et mystérieux qui flottait jusqu'alors ...
On n'oubliera pas de sitôt la silhouette spectrale glissant dans le parc et les couloirs ténébreux du chateau, cette chevelure sombre, cette cape écarlate, ce poing ganté serré sur sa dague ... une créature qui n'est pas sans en raviver tant d'autres : les fantômes redoutables du Fantastique japonais, l'Irma Vep des "Vampires" de Feuillade, Belphégor, la justicière masquée d'un Fumetti ou la méchante reine d'un conte de Grimm ...







Le prologue plante le décor et le contrepoint ouvertement gothique : un chateau familial quelque part en Bavière, un tableau effrayant, des ancêtres troubles et dérangées ... on établit un mythe.
Après "la Nonne sanglante", "Bathory, la comtesse vampire" et "La Vierge de Nuremberg" voici donc la Reine rouge, victime revancharde de conflits fratricides dont le maléfice appelé à se reproduire chaque siècle frappera inmanquablement toutes les générations de filles du clan Wildenbruck.
Ainsi, comme dans les contes, les faits sont-ils apparemment appelés à se répèter sans que rien ni personne ne puisse y faire.
L'irrationnel et les superstitions sont posés comme une fatalité.
Tous les cent ans, une fille de la dynastie tuera donc sa soeur et celle-ci reviendra sous l'apparence de la Dame rouge pour occire 7 personnes en gardant le meilleur pour la fin, terminant bien entendu par la frangine coupable ...



Sous les regards noirs du tableau représentant le crime initial, la petite Evelyn Wildenbruck, comme soudainement possédée, s'excite à lacèrer et à réduire en charpie la poupée de sa soeur Kitty.






Comme dans la légende l'une est brune et l'autre blonde et pareillement elles se détestent ...
Evelyn a tout du petit poison et Kitty de la dinde pleurnicharde.
Le Générique qui survient insiste lourdement sur leurs chamailleries.






Lorsque l'histoire commence réellement, les années ont passé et les filles ont grandi et quitté le chateau.
Troisième soeur de la fratrie, Franziska s'occupe du grand-père grabataire et plus que vieillissant ...
Or, l'aieul meurt et dans de bien étranges circonstances ... : la dame rouge lui apparait et il succombe à un arrêt cardiaque. Rêve ou réalité, Franziska et son époux prétendent avoir entendu des rires démoniaques, Herbert a même aperçu une étrange silhouette féminine ...
Kitty revient au chateau pour l'enterrement. Quant à Evelyn, soit-disant exilée aux Etats-Unis, on découvre bien vite qu'elle est morte peu de temps plus tôt dans un tragique et stupide accident : lors d'une enième empoignade, Kitty l'a rejetée trop violemment et la jeune femme s'est fracassé la tête avant de tomber dans la rivière en contrebas.




Le grand-père mort de peur, une créature vêtue de rouge se glissant dans le parc, un meurtre inaugural et impuni ... : la malédiction parait bel et bien en oeuvre et la Reine rouge semble rescussitée pour accomplir son fatal règlement de comptes.
Un peu plus de 10 minutes d'écoulées seulement : le Giallo peut réellement prendre tout son essor !

Miraglia ne perd pas de temps !
Une réflexion que l'on pourra d'ailleurs étendre à sa mise en scène qui, je l'ai déjà dit, butine un peu à toutes les influences (par opportunisme et  recherche de la séduction (et de la rentabilité !) à tout prix ?) mais qui rechigne aussi à trop s'attarder là où il serait bon qu'elle prenne davantage d'espace (les scènes de meurtre ou d'angoisse par exemple : chouettes mais parfois un peu trop expédiées à mon sens ...). Je reviendrai là dessus.
Il n'empêche que la direction du cinéaste s'avère tout de même très pro. et globalement soignée, le rythme enlevé, les rebondissements de l'intrigue et les circonvolutions de l'énigme suffisamment nombreux.
On pourrait reprocher une légère tendance au "remplissage ; les dialogues parfois inutilement bavards mais dans l'ensemble assez plats et purement fonctionnels n'apportent finalement pas grand chose, se chargeant souvent de répèter ce que le spectateur sait déjà ... ; inversement, certaines séquences presque supperflues  sentent vraiment la convention et manquent de vrais développements, se rattachant in extremis et sans réelle logique au reste de l'intrigue (le viol de Kitty (qui ne sert après tout à rien d'autre qu'à exhiber les charmes généreux de Barbara Bouchet - le méfait demeurera d'ailleurs sans suite et, plus invraisemblable encore, l'agresseur cherchera peu de temps plus tard à prévenir d'un danger celle dont il avait odieusement abusé !) ; l'habitude quasi systématique de rassembler sans raison évidente plusieurs protagonistes (et suspects) sur les lieux stratégiques (le square aux prostituées, la maison de Martin, l'appartement d'Evelyn ...) ...)








L'aspect fantastique instauré au départ (et assez efficacement maintenu  lors des séquences de meurtres ou de cauchemars) cède tout de même trop rapidement du terrain à un côté "Whodunit" plus convenu et réaliste ; en dehors de l'héroïne de plus en plus menacée et effrayée (tout semblerait indiquer que sa soeur est la tueuse ; or, comme Kitty l'a encore vérifié, son cadavre est pourtant en train de pourrir dans le placcard d'une chambre secrête au fond des caves du chateau  !), personne ne semble croire à un spectre ou un zombie vengeur.



C'est ici que le giallo avoue tout son classicisme : Qui tire les ficelles ? Qui tue et Pourquoi ?
On retombe dans les questionnements les plus habituels.

En dépit de ces réserves, " La dame rouge tua 7 fois" s'avère indéniablement sympathique et savoureux.
Les acteurs sont plutôt mauvais, les rôles caricaturaux, la psychologie et la vraisemblance au placcard (remarques finalement valables pour bon nombre de gialli !) mais l'ensemble affecte un charme certain encore renforcé par son look aujourd'hui très vintage et par ce mix kitsch et marrant entre le thriller pop et l'épouvante gothique ... au final, ça fonctionne.





D'autant que la mise en scène de Miraglia, si elle n'inove pas et n'expérimente rien de vraiment neuf, se révèle néanmoins  très soignée et réfléchie.
Les cadrages sont beaux, les décors bien exploités, les atmosphères et les moments-clé toujours étoffés.








La dame est rouge et, comme elle, le rouge s'immisce donc un peu partout au fur et à mesure de la progression de l'intrigue : décors, vêtements, accessoires ... la couleur s'impose toute en finesse ;









Rouge comme ce sang qui jaillit, vermillon, de cette main transpercée en cauchemar, de cette gorge empalée sur une grille, sang qui éclabousse les robes des mannequins et rougit l'eau d'une rivière ..., ce sang "noble" et finalement vicié qui transmet les tares et les malédictions.



Les meurtres, assez nombreux, dénotent d'honnètes efforts.
Le réalisateur s'est effectivement appliqué à varier les plaisirs puisque ses victimes meurent presque chacune d'une manière différente (d'effroi ; à coups de couteau ; par empalement, écrasement (une tête brutalement frapée contre des pierres, un corps trainé par une voiture) ; au revolver ou par noyade (dans une pièce-sas qui se remplit d'eau inexorablement) ...)
Bien sûr, rien de trop choquant, nous sommes loin du gore ou  des raffinements morbides à la Dario Argento, cependant la mise à mort (ou ses tentatives) occupe ici une place assez conséquente et sympathique.









Petit bémol, le giallophile exigeant pourra tout de même déplorer le manque d'envergure général, d'autant qu'avec un tel personnage et ces orientations et influences le film aurait pu réellement dépasser le stade de chouette péloche de série B (à mon avis, le titre de film-culte serait vraiment usurpé !) 

(à suivre ...)