LA RESIDENCE
La Residencia / The House that screamed
Années 1900 - Teresa intègre un pensionnat de jeunes filles du Sud de la France.
Dirigé d'une main de fer par l'intransigeante Mrs.Fourneau, l'établissement, apparemment réputé, s'est donné pour mission de délivrer l'éducation la meilleure et de faire des adolescentes, y compris les plus difficiles, de jeunes femmes accomplies et exemplaires en tous points.
Mais Teresa saisit assez rapidement les règles et les méthodes parfois très inhabituelles qui régissent cet univers clos.
Effectivement, derrière le vernis des convenances et des bonnes manières couve un maelström de violence, d'excès et de perversité ...
Et, lorsque des pensionnaires disparaissent à répétition, l'hypothèse de leur fuite s'avère finalement moins vraisemblable que l'horreur la plus impensable : une main meurtrière et psychopathe se terre au sein de la résidence !
Une demeure ancienne, labyrinthique, inquiétante et possiblement maléfique, une pension de jeunes filles : un univers en vase clos presque exclusivement féminin, une directrice et un personnel méchament surprenants, l'insistance sombre et menaçante des escaliers et des couloirs, une héroïne innocente et de jeunes âmes apeurées, des disparitions, des secrets, des meurtres à l'arme blanche ...
Tout cela ne vous rappelle rien ? On retrouve même fugacement une salle de danse classique !
Il ne s'agit pourtant pas du flamboyant "Suspiria" mais d'une perle plutôt méconnue qui nous provient d'Espagne et qui a été réalisée en 1969 soit près de 10 ans avant l'oeuvre de Dario Argento.
Ici aux manettes Narciso Ibanez Serrador, réalisateur presque plus célèbre dans son pays pour son travail essentiellement télévisuel (la série horrifique "Historias para no dormir") que pour ses films sur grand écran. En effêt, le bonhomme ne s'est octroyé que deux incursions cinématographiques, toutes deux dans le domaine du Fantastique d'ailleurs : le sidérant "Quien puede matar a un nino ? " (aka "Who can kill a child ? " retitré incongrument en France "Les Révoltés de l'an 2000" !) et ce magnifique "La Résidence" ("La residencia" en V.O et "The House that scream" pour l'internationnal).
Deux réussites incontestables, deux fleurons du cinéma de genre vénérés par les représentants de la nouvelle vague de l'horreur ibérique (Guillermo del Toro en tête ...) mais injustement méconnus du grand public.
Bien que de tonalité et d'inspiration apparemment différentes, les deux oeuvres creusent finalement le même sillon, élaborant leur trame sur une base similaire : consciente et intentionnelle ou non, la thématique de la violence exercée sur la Jeunesse (par les adultes, le pouvoir, la société ...) s'impose en filigrane dans les deux films : une ligne de fond éminament critique ... De là à y voir une métaphore à peine déguisée de l'Espagne de l'époque et des dégats causés par le Franquisme, il n'y a guère qu'un pas !
Revenons pour le moment à "La Résidence".
Serrador signe, ici, une oeuvre qui s'inscrit en apparence dans la tradition de l'Epouvante la plus classique (le cinéphile pensera inévitablement aux meilleures productions de la Hammer, à Terence Fisher ou aux studios Amicus ...) mais le cinéaste s'avère bien autre chose qu'un simple et habile plagieur ; il matine ses enrobages gothiques de bien d'autres influences : tout d'abord celles à priori très "bisseuses" du WIP (film de femmes en prison (littéralement "Women in prison", un courant très opportuniste surfant conjointement sur l'horreur et l'érotisme (avis aux amateurs de nanars et de sensations rances !))) dont la plupart des clichés (violence, torture, scène de douche, lesbianisme ...) semblent utilisés, ensuite, celles tout aussi étonnantes du Giallo (version Mario Bava) pour s'achever dans l'horreur la plus pure et la plus classieuse avec des références à Hitchcock ("Psychose") et à "Frankenstein" !
Le film évoque effectivement toutes ces empreintes mais elles se révèlent si bien assimilées, réinterprétées, qu'il ne ressemble finalement à rien d'autre qu'à lui-même : à la fois chambre d'écho de toute la variété de l'horreur et du fantastique et oeuvre néanmoins profondément personnelle et atypique. Car, tout en invoquant ses prestigieuses ou surprenantes références, Serrador a le génie de les remodeler, de les détourner, préférant de loin la suggestion, la construction de l'atmosphère et l'horreur psychologique, choisissant le parti de l'étude de caractères et du drame au lieu des effêts rebattus d'une certaine tradition horrifique.
Et même si le final joue jusqu'au bout la carte du Whodunit (Qui tue et pourquoi ?) et que l'oeuvre s'achève dans la terreur la plus percutante, on retient bien avant cela toute l'habileté et la modernité d'une mise en scène qui n'aura pas cessé de nous interroger et de nous surprendre.
Et même si le final joue jusqu'au bout la carte du Whodunit (Qui tue et pourquoi ?) et que l'oeuvre s'achève dans la terreur la plus percutante, on retient bien avant cela toute l'habileté et la modernité d'une mise en scène qui n'aura pas cessé de nous interroger et de nous surprendre.
La Résidence en question, cette pension de jeunes filles, nous est présentée dès le générique d'ouverture et sous ses abords les plus avantageux (bien que progressivement de plus en plus étranges ...)
Le décor choisi (et d'ailleurs unique), un manoir ancien et assez luxueux perdu au sein d'un grand parc cerné de hautes murailles au portail soigneusement cadenassé, convoque immédiatement tout un imaginaire, les récits romantiques et fiévreux des soeurs Brontë ou de Mary Webb, le roman gothique, une certaine féérie ... que l'époque choisie (le début du 20éme) avec tout son séduisant attirail de calèches, de chandeliers, de corsets et de jupons, de gouvernantes et de pendules ..., son faste roccoco, ne fait que renforcer.
Mais l'angoisse sourd presque immédiatement : dès l'arrivée de Teresa, les portes grincent et s'entrouvrent dissimulant une menace perpétuelle, les ombres se matérialisent, une main fantômatique apparaît derrière un vitrage ... tout cela sans parler de la fausse décontraction de la directrice ni de l'intéret manifeste, à la fois trouble et dérangeant, de la jeune surveillante à l'égard de la nouvelle recrue.
Serrador ne perd pas de temps pour installer son atmosphère et nous en révèler toute la vénéneuse teneur !
Et lorsque l'héroïne est invitée à prendre un gouter tandis que son tuteur conclut les termes de son admission, une blatte courrant sur la nappe prédit déjà toute la noirceur et la décomposition des lieux.
Selon le procédé habituel, le réalisateur nous pousse à épouser le point de vue de son personnage principal, nous faisant découvrir avec Teresa les multiples facettes de cette pension, sa topographie plutôt incertaine et labyrinthique (un vaste hall, des étages et des couloirs, des salles en enfilade, des escaliers, une serre et ... beaucoup d'ombre et d'obscurité ...), ses codes, ses usages, les rythmes qui l'animent ... tout en nous donnant, bien évidemment, d'autres informations capitales, souvent contrastées, nous fournissant des longueurs d'avance sur l'héroïne, en nous révélant très vite la cruauté et la brutalité d'un système qui, sous le prétexte de préserver l'intégrité tant morale que physique de ses jeunes éléves, ne supporte aucune insubordination et qui méprise et redoute ce qui a trait à la chair, à la sensualité, au sexe (dans cet établissement, les jeunes femmes prennent leurs douches en chemise !)
Soigneusement isolées, maintenues à l'écart du monde et occupées tout le jour aux travaux qui en feront de parfaites maîtresses de maison (couture, cuisine, jardinage, musique, danse ...), les pensionnaires affectent une docilité et une naïveté auxquelles il ne faut cependant pas se fier !
Car, sous la raideur des cols et des corsets, derrière une obéissance totalement feinte, c'est bien évidemment le désir qui palpite, l'appel lancinant du sexe qui prédomine.
Et malgré toute la vigilance et les efforts de Mrs Fourneaux, son entreprise s'avère un echec dont elle est incapable d'envisager l'ampleur : son jeune fils vit également dans les batiments, un adolescent du même age que certaines élèves et préoccupé par les mêmes élans. La directrice a beau le maintenir enfermé, lui interdire l'abord des jeunes filles, le surveiller et le garder sous la coupe d'un amour monstrueux et presque incestueux, il reluque secrètement les filles lorsqu'elles prennent leur douche et réussit malgré tout à nouer avec celles-ci des amitiés, des amourettes derrière le dos de sa mère.
Pire encore, la plupart des élèves ont complètement perdu leur virginité : avec la complicité d'Irène, la surveillante, elles s'offrent à tour de rôle à l'homme qui vient livrer le bois.
Irène, elle-même, dissimule à peine son gout pour ses congénères et ne se déplace jamais sans ses "favorites" ; elle propose d'ailleurs très vite à Teresa de devenir l'une d'elles et exerce tout son sadisme à l'humilier lorsqu'elle comprend son refus ...
Qu'elle soit muselée, pratiquée, rêvée, honnie ou contrainte, la sexualité se fait ici enjeu dramatique ou cauchemar. Violence encore.
Justement, la violence montrée par le réalisateur (par exemple cete séquence, dés le début, où une jeune effrontée se voit sauvagement punie, enfermée sur l'ordre de la directrice puis fouettée au sang par ses congénères sous son oeil impassible ...) se fait presque moins marquante que celle qu'il suggère tout du long tant par la peinture de cette atroce entreprise de formatage, par la description de l'enfermement, l'emprisonnement de plus en plus inexorable et fou des pensionnaires (et des protagonistes : enfermement physique, enfermement dans l'aliénation ...) que par l'hystérie mal contenue des personnages principaux, toutes ces manigances, ces abus de pouvoirs, ces tentatives de coercission, dessinés à coup de scénettes glaçantes dans lesquelles les regards, les dialogues, les détails et les gestes, même les plus anodins, stigmatisent admirablement toute la cruauté des situations.
Le cinéaste dépeint toute la hiérarchie d'un système finalement basé sur le pouvoir.
La place que chacun y occupe, y perd ou y gagne.
Un système qui violente sous couvert de préserver.
Dans cette oeuvre beaucoup plus profonde qu'il n'y paraitrait, rien n'est jamais acquis, les rôles de bourreau et de victime s'intervertissent, une horreur en amène une autre sans que l'on sache vraiment jusqu'où ça ira et tout cela avec une mise en scène au cordeau, d'une façon en même temps faussement lisse, presque doucereuse et ténue, tendue et pleine de suspens ... fascinante !
Lilli Palmer ("Ces garçons qui venaient du Brésil", "Quatre de l'espionnage" ...) campe une directrice ambigüe à souhait, à la fois rassurante et monstrueuse, maternelle et intraitable, dont toute l'instabilité, la fragilité et l'aveuglement se réveleront peu à peu.
La tactique Serrador consiste à nous présenter des caractères typés (et même archétypaux) pour mieux les déconstruire au fil de son récit et en démontrer toutes les contradictions.
A l'instar du personnage de Mrs Fourneau, celui d'Irène, la jeune surveillante, l'inquiétante élève en chef, évolue de manière inattendue : tout d'abord venimeuse, toute puissante, infecte et perverse, elle finit bouleversée, ravagée et révoltée contre le système qu'elle avait incarné jusqu'ici.
Nul n'est tel qu'il le prétend.
Fourneau, royale, sûre d'elle-même, modéle d'hygiène et de vertu s'avère psychorigide, bouffée par la solitude et la folie et par sa passion excessive (exclusive !) à l'égard de son fils.
Ce fils, Luis, dissimule bien autre chose que la candeur derrière ses grands yeux clairs et sa passion des pendules et des mécaniques ... Fragilité, maladie ?
Les jeunes oies blanches s'avèrent bien dessalées et l'homme à tout faire patibulaire, apparemment l'un des seuls personnages à peu près intègre ...
C'est finalement Teresa, l'héroïne, qui s'avouerait la moins interessante (en tous les cas la moins surprenante au sein de toute cette galerie de "monstres"), bien que Cristina Galbo ("Mais qu'avez-vous fait à Solange ?) incarne avec conviction toute l'innocence et l'amabilité requise par le rôle.
En cela, Serrador rejoint le principe du récit fantastique ou du conte, confrontant une héroïne pure et douce à un univers d'épreuves et de noirceur ...
Du conte, on reconnaitra aussi cette exploitation destructurée et optimale d'un décor fantastique et ce gout des symboles.
Plusieurs séquences usent de la métaphore : la plus marquante sans doute demeure celle de la "visite" du bucheron.
Tandis que l'homme qui vient livrer le bois est rejoint par l'élue qui sera son amante du jour, les autres filles (toutes "complices" et frustrées) qui vaquaient à leurs travaux de couture, imaginent ou se remémorent la partie de jambes en l'air qui est en train de se dérouler. La bande son exalte les soupirs et les râles de plaisir du couple hors champ tandis que la caméra fige le désir et l'excitation de plus en plus intense des donzelles par des gros plans oppressants de leurs yeux et leurs lèvres mouillés, de leurs gorges séches, d'une bobine de fil rouge enroulée de plus en plus frénétiquement, de doigts tremblants qui ne parviennent plus à faire rentrer un fil dans le chat d'une aiguille, de mains qui se piquent en brodant trop nerveusement ... (la psychanalyse et dr. Freud à la une !)
La tension et la sensualité torve, intensifiées par un montage de plus en plus rapide et par la suggestion du contrepoint sonore, atteignent leur paroxysme.
Admirable dans sa puissance d'évocation, sa mise en scène et l'effêt dérangeant qu'elle procure, cette scène qui métamorphose l'érotisme en angoisse, stigmatise avec maestria l'atmosphère terrifiante et fantasmatique du film et la méthode mise en oeuvre par le réalisateur (ne rien montrer ou presque, et tout dire !)
J'ai déjà évoqué cette demeure, ses couloirs ténébreux, sa chaufferie, ses cachettes, ses pièces secrètes, son immense grenier ... et toute sa puissance d'évocation ; au rang des "fétiches", on retiendra aussi des trousseaux de clé, des tasses de thé, des fouets, des corsets et de la laine rouges, des pendules, des lames et des fleurs parfois ensanglantées ...
![]() |
Les scènes de meurtre, nocturnes et presque oniriques, préfèrent l'étirement atmosphérique de leurs préambules, ces déambulations angoissantes et angoissées dans le labyrinthe de la demeure plus sombre que jamais à des effusions sanglantes hors de propos. Elles n'en restent pas moins réussies, points d'orgue évidents de l'inéluctabilité et de la dimension aussi bien dramatique que terrifiante de l'histoire qui renforcent la démonstration critique de Serrador.
Le cinéaste n'hésitera d'ailleurs pas à sacrifier son héroïne aux trois quarts du métrage ...
La réalité de l'enfermement est constamment soulignée par la mise en scène ; qu'il s'agisse de la séquestration de plus en plus manifeste des pensionnaires, du basculement dans l'entêtement, l'inflexibilité ou la folie des personnages, ou des situations auxquelles ils se trouvent confrontés (l'élève rebelle enfermée et torturée, la jeune innocente condamnée dans la serre, Luis, prisonnier de sa cachette de voyeur dans la chaufferie, Teresa coincée par la surveillante et ses harpies ou incapable de s'échapper de la résidence, Irène semblablement confrontée à d'éternelles portes closes, Mrs Fourneau enfermée dans le grenier ...)
Cette répétition de plus en plus totale des fenêtres et des portes bloquées, ces cadrages qui enferment, ces ténèbres de plus en plus flagrantes, cette fourmi écrasée dans un livre ... servent la sensation claustrophobique qui nous happe dès le départ.
Derrière son aspect whodunit, "La Résidence" couve une réflexion bien moins simpliste.
Car il n'y a finalement pas un unique coupable, la culpabilité s'avèrant ici presque universelle, stigmatisée tout du long et selon les différents points de vue : culpabilité de la directrice (autoritaire, rigide, barbare ... folle ?), de la surveillante (malveillante, abusive, sadique ...), culpabilité de Teresa (trop attirante, trop gentille, trop pure ...), culpabilité des élèves (effrontées, réfractaires, menteuses, frivoles ou trop naïves ...), culpabilité de la mère (castratrice, aveugle, exclusive ...) et du fils (désobéissant, malade ...), culpabilité de la gent masculine (bestiale, dangereuse ...), culpabilité d'un personnel finalement complice, culpabilité d'un système de dressage et d'asservissement (et derrière lui d'une société qui hait la jeunesse, la sexualité, le désordre ...)
Au final, tout le monde perd (la vie, la liberté, la raison ...)
Ce que Serrador pointe du doigt c'est davantage un engrenage ; "La Résidence" est finalement une dramatique qui épouse les visages de l'épouvante, du conte noir, pour mieux parler de réalité : de solitude ( existentielle, sexuelle ...), d'amour (impossible, monstrueux, désaxé (celui de Fourneau à l'égard de son fils, celui d'Irène pour Teresa, celles du jeune Luis ...) et surtout de frustration !
La démonstration du réalisateur s'appuie sur une technique irréprochable et une mise en scène, je l'ai déjà évoquée, souvent étonnante.
On se remémorera longtemps le découpage de cette séquence qui montre en alternance les pensionnaires alignées dans leur dortoir pour la prière du soir et l'escalade dans la cruauté du traitement infligé à l'élève insoumise ; La scène des douches, celle de l'humiliation de l'héroïne, celle, déjà citée, du livreur de bois, marquent aussi durablement pour cette même envolée progressive dans le drame ou l'hystérie ; Et comment oublier ces dix dernières minutes, imparables, qui dilatent l'angoisse et multiplient les interrogations pour aboutir à la révélation finale aussi terrible qu'évidemment logique (y compris dans son côté excessif et fantastique).
Mais ce que Serrador manie peut-être le mieux c'est ce sens aiguisé de l'ellipse (on ne nous montre rien du "sauvetage" de Luis, prisonnier dans la chaufferie ; on ignore tout de ses rapports avec Teresa ; on ne sait pas comment ni pourquoi les cadavres disparaissent aussi vite ...)
Bien que partiellement renseignées par les dialogues, les interrogations suscitées par ces oublis volontaires forcent notre implication, notre attention, et ajoutent à l'impact et à la spécifité de l'oeuvre.
Pour la photographie globalement sombre (peu d'éclats et de couleurs franches : une constante des ocres, des gris et des bleus nocturnes ...) elle contribue totalement aux impressions recherchées : austérité, mystère, étouffement, danger ...
Et la musique, composée par Waldo de los Rios (connu pour ses réinterprétations kitschissimes et un poil variétoche des "incontournables" de la musique classique) sert, elle aussi, à merveille la réussite et la force de l'ensemble : le thème principal demeure bien en tête, à la fois simple, lyrique et efficace, et ses déclinaisons tour à tour légères, romantiques ou sinistres (dans le style piano désaccordé...) forgent une identité supplémentaire à une oeuvre qui, vous l'aurez compris, n'en manque donc pas ...
J'évoquais en amont la parenté évidente avec "Suspiria" (l'école de jeunes filles comme seul univers (quiconque tente de s'enfuir, meurt irrémédiablement), tous ces secrets tapis dans l'ombre, ce vaste grenier où se dissimule la pourriture, cette viande découpée dans les cuisines, ces tuyaux et conduits (ici la chaufferie qui alimente une salle de douche) ...) les deux films s'avèrent pourtant en même temps foncièrement différents : Serrador ne cherche pas à dissimuler sa volonté critique, sa sensualité, son sens de la métaphore et du drame, il confère à son fantastique une épaisseur et une réalité que Dario Argento exclut volontairement ne s'épanouissant, pour sa part, que dans le merveilleux et l'irrationnel jusqu'auboutistes ... L'italien n'apprécie la chair que pour ses capacités graphiques et oniriques de lacération et ses personnages pour leur statut de marionnettes et d'archétypes là où l'espagnol met tout en oeuvre pour signifier la profondeur de ses propos sous le masque-prétexte de la fable horrifique. Argento sublime l'artifice, l'effêt, l'obsession cauchemardesque là où Serrador les mesure, les utilise et les rationnalise.
Dario avait-il déjà visionné l'oeuvre du cinéaste ibérique en 76 ?
Entrez dans "La Résidence" et succombez à sa beauté mortifère !
Un must !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire