




















Et l'immobilisme et le repos se font impossibles.




Il n'y a que dans le mouvement, la recherche ou l'échappatoire que l'on peut conserver son intégrité , sa raison, sa vie.
La fuite de Sara explique également le rythme saccadé et rebondissant de l'oeuvre et de l'intrigue.


La Maison, coeur, refuge, noyau dur, espace clos, installé et construit de l'essence de chacun, s'affirme donc à nouveau (comme dans "Suspiria" et "Inferno") comme le nid, le noeud, la cible qu'il importe absolument de trouver, d'explorer, qu'il faut comprendre puis éradiquer.
A l'image de ce ventre découpé qui perd ses tripes (le premier meurtre), la Maison, telle un corps pregnant, dissimule son secret comme un oeuf au plus profond de ses catacombes.
Et lorsque Sara anéantit la Mère des Larmes, la maison, éventrée, recrache sur elle ses viscères et son contenu pourrissant de viande humaine.
La Maison romaine de la "Mater" n'a cependant plus la splendeur vénèneuse de celles de ses soeurs.
Elle s'affiche lèpreuse et abandonnée sous la nuit bleutée ; sombre, lugubre, desaffectée...



La noirceur et la misère priment, ici, sur les éclats multicolores et la fausse "normalité" d'une école de danse ou d'un immeuble décadent ( "Suspiria", "Inferno" ).

La part violente et mauvaise de la société contemporaine semble avoir pris le dessus et elle a relègué les mythes aux oubliettes.

L'Eglise demeure finalement le seul lieu et le seul vestige d'une part magique (bonne ou mauvaise) de l'Univers. Une Eglise pourtant fatiguée, à bout de souffle, presque moribonde, essentiellement représentée par des vieillards inquiets et condamnés
L'avènement du "Démon" a sonné : aux dogmes et au respect des rites, des édifices et des lois, on préfère le désordre, l'insurrection, la liberté et l'individualisme.
A cette déconstruction mentale et idéologique et à la possession des habitants de Rome correspond donc la course interminable de l'héroïne, tombant de "Charybe en Scylla", se terrant d'appartements en presbytères sans jamais trouver de refuges et d'appuis durables.
Les architectures se révèlent toujours possiblement hostiles, angoissantes et les intérieurs, illusoirement sécurisants, toujours perméables à des intrusions malveillantes.
Les appartements se transforment en labyrinthes de couloirs aux cloisons couvertes de livres ; les murs et les portes peuvent dissimuler des passages secrets, des formes ou des ombres maléfiques ; il leur arrive même de s'ouvrir pour se refermer aussitôt, mus par des forces surnaturelles ou de carrément révèler des brèches et des passages furtifs sur des dimensions "autres", sur l'Au-delà (lorsque la mère de Sara emporte Mickael avec elle, désormais réduit à l'état de mort-vivant, et particulièrement menaçant).









La Maison de la Mater Lacrimarum est décrite comme un dédale incohérent d'escaliers et de profondeurs débouchant , pour finir, sur des catacombes évoquant une grande fourmilière.
Derrière les lueurs sanglantes ou bleuies des fenêtres se trament drames et horreurs ; et les escaliers que l'on arpente en tous sens ne suintent toujours que les ombres inquiétantes de présages menaçants.
Comme souvent dans toute l'Oeuvre du cinéaste, les protagonistes se déplacent fréquemment, utilisant tous les moyens de transport modernes : automobiles, taxis, trains, avions..., soulignant ironiquement l'enfermement inexorable dans lequel ils s'agitent vainement ; l'enfermement dans l'intrigue mais surtout celui de leurs destins tout tracés par la prééminence de forces occultes. Ainsi, on court, on cherche, on se sauve et se débat, mais, ici encore, le personnage "argentien" semble ignorer qu'il est irrémédiablement prisonnier !
Telle cette fosse creusée à la pelleteuse dès le commencement de l'histoire, la symbolique et la représentation du trou, du gouffre, traverse tout le film.










Orifice creusé dans le corps d'un enfant dont on extirpe et dévore les organes ; trous sanglants des yeux crevés de l'amie de Marta ; tunnel brusquement ouvert sur l'Au-delà ou passage secret révèlé par l'effleurement des signes magiques ; trous et niches des catacombes ; vaste trou dont émergent au final Sara et l'inspecteur ; trous de ces blessures et de ces entailles ...








Comme naguère dans "Inferno", une banale coupure au doigt se fait le signal qui inaugurera la mise à mort iminente et tous les épanchements de sang, les crimes et les sévices à venir.
Curieusement, l'effroi, la surprise et la beauté ne sont plus au rendez-vous de ces diverses mises à mort et l'équarrissage tournerait même à l'ennui ; on frôle l'overdose (ce qui est un comble pour une production du maitre (naguère inventif) de l'horreur transalpine !)
La mise en scène de la terreur, autrefois savamment distillée et magistralement dépeinte, cède donc la place à la crudité, la brutalité et à un manque étonnant d'imagination et de sophistication.
Les éclairages sont ternes ; les décors et les atmosphères sans réelle recherche ; la programmation sonne trop attendue et l'ensemble s'avère finalement plutôt laid et, à la longue, presque déplaisant !
Et, à la filiation démoniaque unissant les sorcières venues du monde entier à leur maîtresse et au démon répond la filiation "positive" qui lie Sara, sa mère et Marta et qui amène l'héroïne à prendre conscience de ses pouvoirs magiques et de son rôle à venir.
A cette "Mater Lacrimarum", aux Trois Mères réévoquées, à ces mères possédées qui sacrifient leurs propres enfants, à ce monde enfanté et manipulé par des femmes (redoutables !), aux "Mater" atmosphériques égrennés par la bande-son, vient donc s'ajouter le personnage de la mère de Sara (incarné par Daria Niccolodi, la mère "réelle" d'Asia Argento), morte mais resurgie, telle un ectoplasme, pour aider, guider et secourir sa fille, pour lui passer le relais du combat contre les forces du Mal.
Cette idée, à-priori "casse-gueule ", n'est en fin de compte guère sauvée par son traitement littéral ; Argento nous gratifie donc des apparitions d'un fantôme lumineux et transparent : Cette visualisation, cette matérialisation de l'indicible rejoint la frontalité et le traitement volontairement ( ? ) non-élégant, voyant et sans détours ni fioritures de l'ensemble de son film.

L'effet spécial paraît, ici plus que jamais, livré à lui-même, sans autre contrepoids ornemental ou artistique ; Désigné en tant que tel, dans toute son artificialité et ses approximations, il s'avère parfois efficace, souvent exagèré, possiblement amusant et ridicule ; affiché, cru et finalement creux !


( à suivre...)
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