










LA TERZA MADRE (fin)



Le travail effectué au niveau des correspondances et de rappels thématiques constants et très conscients, rappelle cependant que l'oeuvre est bien telle que l'a désirée son réalisateur.
Avec Dario Argento, rien n'est jamais fait ni laissé au hasard.
Aux étranges mains de plâtre dressées sur une table dans une salle du musée d'Art antique correspondent immédiatement les mains gantées de blanc de Sara et de sa collègue puis celles, monstrueuses, qui surgissent de l'obscurité pour supplicier Gisèle ;




A la scène dans laquelle Sara, réfugiée chez Mickael, allume un feu de cheminée fait écho la séquence qui, plus loin et dans le même décor, la montrera contrainte de bruler vif celui qui n'est plus désormais qu'un mort-vivant ;
A l'image de Sara et Mickael nus dans leur lit répond l'étreinte du couple de lesbiennes ; Aux larmes de sang versées par la victime de la sorcière asiatique correspondent les larmes de Marta lappées par la cruelle "Mater" ; La bonne du Père Johanès portant sa petite fille se fait le reflet de Mickael allant coucher son fils, et la mort du nourrisson annonce celles des autres enfants ;






La tête écrasée de la japonaise évoque celle, réduite en bouillie, du Père Johanès ;










Les lunettes de soleil arborées par Sara préfigurent son étrange examen occulaire ;


L'empalement de Marta suggère, en amont, l'empalement final de la Mère des Larmes ...
Et, dans cette oeuvre davantage que dans toute autre, l'auto-citation devient flagrante !
Si les points communs avec "Suspiria" et "Inferno" (essentiellement d'ordre thématique et narratif) s'avéraient attendus, on pourrait presque redistribuer chaque idée, chaque allusion, chaque indice à l'oeuvre qui lui revient puisée dans la filmographie du cinéaste.
De cette manière, le singe, cette lame téléscopique et le bain de cadavres rappellent "Phénomena" ;
la poursuite dans le train, le cimetière, l'exhumation du cercueil et le passage "dessin animé"(l'histoire d'Oscar de la Vallée) renvoient au "Sang des innocents" ;
"Le Syndrôme de Stendhal" pour Vitterbo, le Musée d'Art antique, les statues, la violence crue et les yeux crevés ;
"Les Frissons de l'angoisse" pour l'exploration de la demeure déserte ; "L'Oiseau au plumage de cristal" pour la scène de l'escalier ténèbreux de l'immeuble de Sara ; "Trauma" pour l'examen occulaire de De Witt qui évoque celui d'Aura par le Dr. Judd ; "Jenifer" pour l'enfant dévoré et "Pelts" pour le vêtement magique (tunique contre manteau de fourrure) ; "Le Fantôme de l'Opéra "pour ces catacombes ravivant le souvenir des souterrains de l'Opéra de Paris ....



La citation tourne au catalogue et au système pour une version finalement assèchée et enlaidie des anciennes trouvailles !





Dario Argento souhaite-t-il flatter la mode résurgente de l'intrigue "mystique" et la désacralisation des dogmes chrétiens inaugurée à grand bruit par le "Da Vinci Code" ?
Toujours est-il que cette intervention du sacré et de la religiosité sappe totalement la dimension "merveilleuse" et profondément fantastique des deux premiers volets du triptique (dans "Suspiria" et "Inferno", le conte et l'abstraction ne se raccrochaient qu'à de fugaces allusions à une mythologie obscure, pour déboucher sur des notes quasi métaphysiques). Un comble pour un créateur aussi atypique que novateur et souvent contestataire, d'en arriver à emprunter des voies aussi balisées et presque conservatrices !
En conclusion, à la vision de "La Terza Madre", le fan de Dario Argento ne peut pas réellement s'estimer satisfait. Non, les attentes (légitimes ?) ne sont pas comblées !
Bien entendu, on pouvait, par avance, deviner un contrepied ou tout du moins quelque chose de surprenant de la part d'un cinéaste viscéralement libre et quelque peu "retors" ; de là à imaginer une "finale" si foutraquement bricolée, apparemment approximative et décevante...







Plus que tout, le cinéaste raille et fustige le politiquement-correct, les diktats qui érigent le bon gout et un certain savoir-faire en habitude, en procédé, en unique et pénible référence !
Après tout, qu'attendions-nous ?
Des sorcières ? Des meurtres ? Du sang ? Des réponses ?
Nous en avons plus qu'il n'en faut !


Vous avez dit raté ?

1 commentaire:
Bravo pour ton site "argentoesque"!
Pour ma part j'ai bien voire beaucoup apprécié le dernier opus très controversé de Dario,comme tu peux le constater sur mon blog...
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