










ALL THE COLORS OF THE DARK
TUTTI I COLORI DEL BUIO
L'ALLIANCE INVISIBLE





Jane est une jeune femme perturbée par des cauchemards atroces ; un accident de la route, un avortement, le meurtre violent de sa mère auquel elle assista enfant ... : autant de traumatismes potentiels pourraient expliquer ses terribles angoisses.
Là où tout se complique, c'est lorsque le tueur aux yeux phosphorescents de ses rêves se matérialise et parait la traquer et la menacer sans plus de répit !
Sur les conseils d'une voisine auprès de laquelle Jane pense trouver du réconfort, le jeune femme désorientée accepte d'être introduite au sein d'un cercle occulte, une secte pratiquant des rites de magie noire ; on la persuade qu'elle y gagnera la solution à tous ses problèmes.
Sans le savoir, Jane met le doigt dans un engrenage pervers et voit son existence basculer dans l'horreur et la paranoïa les plus totales !
Lorsque meurtres et dangers établissent un état dans lequel on ne sait plus distinguer ses hallucinations de la réalité et quand l'entourage familier, trop absent et finalement suspect, n'offre plus de protection ni de sécurité, comment parvenir à ne pas perdre complètement l'esprit ?
S'il n'a pas acquis la notoriété (et la respectabilité ?) d'un Bava (ou d'un Argento), Sergio Martino s'est retrouvé injustement cantonné à une étiquette "bis" quelque peu fourre-tout et méprisante (OK, l'aube des années 80 l'a vu sacrifier sa carrière à l'hypermarchandisation du cinéma et n'oeuvrer plus, depuis, que dans le Z et le téléfilm) ; à mon sens, il mérite cependant d'être considéré comme le représentant le plus fidèle et le plus sympathique de l'esprit giallesque.
Ainsi, si Bava ou Argento (en fin de compte plus "prétentieux") sont parvenus à transformer l'exercice d'exploitation en oeuvre d'Art et à utiliser le Giallo pour sublimer leurs obsessions, Martino, bien que brillant, n'a jamais cherché à "voler la vedette" aux oeuvres qu'il a concoctées.
Ancré dans son époque, fun, divertissant, sexy en diable et plein de rebondissements, le Giallo martinien se savoure comme "les petits plats de maman" (copieux, savoureux (indigeste, ne manqueront pas de dire certains !), direct et familier, avec en prime cette pointe de nostalgie (d'un cinéma et d'une époque saisis dans l'éxubérance de leurs meilleurs aspects : la libération des moeurs, l'essor cinématographique, la créativité, l'audace et la légèreté ...)
En à peine 4 ans, Martino réalisera cinq gialli.
"Tutti i colori del buio" (encore un titre original magnifique !) marque sa troisième incursion dans le genre ; un registre qu'il ne cessera d'affiner au fil des oeuvres.
Et si, ici, le cinéaste choisit de s'inspirer ouvertement des influences ésotériques d'un "Rosemary's baby", feignant habilement de destructurer sa trame cauchemardesque et d'épouser la perception vacillante de son héroïne traumatisée, c'est pour mieux tromper son monde et retomber finalement dans les archétypes les plus traditionnels du thriller "jaune" (la conclusion un peu consensuelle (mais cependant pas dépourvue de surprises) invoque un énième complot "familial" ...)
Avant tout, "Tutti i colori del buio" s'avère indéniablement beau.
La photographie, les cadrages, la musique, les effêts de caméra, le mélange savant des influences (gothiques, psychédéliques, feuilletonesques, psychanalytiques ...), les décors, les acteurs (le "tiercé gagnant" (?) de "L'Etrange vice de Mrs Wardh" : Edwige Fenech, George Hilton et Ivan Rassimov), tout contribue à un équilibre et à une alchimie impeccables.
La Fenech au summum de sa beauté se fait une nouvelle fois le médium idéal de cette formidable et invraisemblable histoire.
Peau de lait, oeil de biche aux abois, courbes ravigotantes (et pas pudibondes pour un sou !), la voici encore offerte malgré elle à toutes les concupiscences et les avillissements, condamnée à déjouer sans cesse les instincts sadiques d'une intrigue plus que jamais diabolique !
Ainsi, dès l'ouverture, Jane révèle toute son évidente fragilité.
Après un beau générique "silencieux" (la tombée de la nuit au bord de l'eau, uniquement sonorisée par les sifflements, les coassements et autres stridulations de la vie animale ...), le film débute directement sur la retranscription saisissante de ce qui s'avèrera un rêve atroce, obsédant (en l'occurence, celui de l'héroïne) :
Dans un décor indéterminé, théatral et ténébreux, sous les grimaces sardoniques d'une vieille femme grotesque autant que sinistre, vêtue et coiffée comme une poupée, on peut voir deux femmes nues, l'une enceinte et en position d'accoucher, les jambes dans les étriers, l'autre étendue sur un grand lit paraissant vouloir se proteger et échapper à un danger dont on ne saisit pas encore l'origine.
Un homme est là également, tout d'abord uniquement symbolisé par des gros plans inquiétants sur ses pupilles d'un bleu impossible.
La vieille poupée tressaute et ricane en découvrant ses chicots tandis qu'une main brandissant un couteau s'abat à plusieurs reprises.
La femme enceinte et comme médusée essuie ses paumes ensanglantées sur son gros ventre, l'autre agonise frappée à l'abdomen ; le sang perle de sa bouche, tandis qu'un enfant chantonne d'une voix sépulcrale.
La "poupée" s'écroule, les yeux vides, les deux autres gisent sur leurs couches.
La vision subjective d'une route parcourue à grande vitesse vient prolonger et terminer ce cauchemard (la caméra dévie et s'écrase finalement contre un arbre) ...
Jane se réveille appeurée, désorientée, en sueur ...
Le film commence.
Martino ravive ici le souvenir du beau "A lizzard in a woman's skin" de Lucio Fulci.
Mais quand bien même l'ouverture similaire sur l'inconscient des personnages principaux et la dimension psychanalytique (ici cependant beaucoup plus formelle, schématique et prétexte (à une entrée en matière ou à des péripéties)) sembleraient rapprocher les deux oeuvres, leurs démarches et leurs trames se révèleront rapidement très différentes.
L'héroïne martinienne s'avère nettement moins perverse, moins complexe et moins réellement cinglée que la troublante Carol de Fulci.
Sa fragilité établie la positionne davantage comme l'idéale victime (de la manipulation, de la cupidité, de la jalousie, d'une machination, d'un entourage foncièrement mauvais et menaçant ...).
Vulnérable, désemparée, infantilisée par une série de traumatismes qui la maintiennent finalement dans une sorte de régression (sa mère est morte sous ses yeux alors qu'elle n'était encore qu'une enfant ; un accident de la route l'a contrainte à l'avortement ... : elle est demeurée une fillette , une personne incapable d'accéder à une dimension nouvelle et logique de femme ou de mère (théorie encore appuyée par ses problèmes sexuels (elle revit le meurtre maternel lorsque son compagnon lui fait l'amour !)), Jane incarne donc l'innocence et la douleur, cibles prédstinées d'une nouvelle histoire de conspiration (une conspiration faussement occulte et éminament matérialiste et crapuleuse !)
Durant tout le film, l'héroïne ne cesse de fuir.
Elle court, se sauve, se débat comme elle peut, tentant d'échapper à la sihouette terrorisante de cet homme sorti de son rêve semblant la persécuter de son évidente menace ... jusqu'à la rendre folle ! Et justement n'est-ce pas finalement plutôt contre sa propre folie, l'emprise de plus en plus pathologique de ses névroses, que Jane lutte si désespérément ?
Classiquement, aucun lieu, aucun rendez-vous, aucune rencontre, aucun partenaire ne se révèle jamais vraiment sécurisant.
Sergio Martino brouille les pistes à dessein : Jane vit-elle réellement tous ces événements déstabilisants ou les imagine-t-elle ?
Le tueur aux prunelles bleues a-t-il une véritable réalité ou symbolise-t-il la culpabilité de la jeune femme, des zones d'ombre et des refoulements ?
Ne perçoit-elle finalement toutes ces choses cauchemardesques que parce qu'elle est droguée ? (Mais alors par qui ? Par ce gourou démoniaque, ou par ce compagnon si curieusement absent qui lui administre des remèdes et des soit-disant vitamines ... ?)
Une fois de plus, l'énigme giallesque aura des répercutions et des dimensions hautement psychanalytiques et la menace de mort se confondra avec les problématiques de la psyché et de l'inconscient ... ; ici encore, l'enquête se verra supplantée par une sorte de parcours initiatique, une thérapie (radicale !), une découverte de soi ...
A ce niveau, le réalisateur opte pourtant pour la surprise choisissant de troquer l'analyse traditionnelle et le cabinet du psychiatre contre la dérive sectaire et la sorcellerie : réminiscences, projections et résolutions ne sont désormais plus tant le fait du spécialiste freudien que d'un mage infernal, et la thérapie passe par le biais singulier et plutôt inattendu de messes noires !
Mais, si le scénario parait finalement épouser la théorie "occulte", convoquant les évocations funestes d'un Charles Manson ou d'un Anton Lavey (les fondateurs monstrueux et tristement célèbres de sectes démoniaques ayant sévit outre-atlantique), c'est pour mieux les singer, en souligner toute la grotesque fumisterie et pour les déconstruire posément au final.
Tout y était pourtant, livré dans une triviale et déconcertante imagerie :
Chateau isolé, sabbats et magie noire, disciples blaffards et hébétés, gourou magnétique, calices, couteaux sacrificiels, marques et symboles, meurtres d'animaux et offrandes humaines, drogue, hypnose, accouplements orgiaques, rites sanglants et sexuels ...
Nous pénétrions aussi abruptement (que, somme toute, logiquement) dans le processus sectaire par l'intermédiaire de cette héroïne si évidemment fragilisée : une voisine affable, l'ébauche d'une sympathie mutuelle, deux rencontres, de l'écoute et l'aveu de son désarroi avaient suffi pour que le film bascule dans un curieux satanisme !
Mais c'est bien davantage le Polanski critique et désabusé de "La 9éme porte" que celui des dérangeants "Rosemary's baby" ou "Le Locataire" que l'on retrouve ici.
Les théatres de sang et de sexe des messes occultes n'amènent pour finir aucune autre libération que celle de la chair (Jane, quelque peu vampée au début, pense être guérie lorsqu'elle parvient enfin à faire l'amour avec Richard), les baptêmes sanglants (ce chien dont on boit le sang chaud, l'obligation de tuer Mary ...) n'appellent que l'éternel épanchement d'un sang identique ...
Et lorsque Jane, horrifiée, fait un pas en arrière, tentant de se soustraire à ceux qui l'ont maintenant marqué de leur oeil (elle se retrouve sans le vouloir tatouée de ce signe distinctif et emblématique !), c'est pour revivre ce que sa mère a subi ! (Effectivement, on apprend que cette mère est morte parce qu'elle avait décidé de quitter la communauté).
Ici encore, la famille imprime tout son impact, sa transmission, son influence, sa propension dramatique : mère, fille, soeur, sexualité, maternité et héritage ... tissent les motifs entremèlés d'une construction de soi, du réel et de l'histoire.
Et, derrière les silhouettes invariablement dangereuses ou énigmatiques des hommes, ce sont les femmes qui oeuvrent, agissent, servent, trompent, luttent, fuient ..., qui se comprennent, se confient, se trahissent et qui meurent ..., elles, les héroïnes perpétuelles (Jane, Mary, Barbara ..., comme autant de déclinaisons des figures symboliques du cauchemard et des facettes malgré tout souvent tragiques d'une féminité originelle.)
L'onirisme et la dimension fantastique s'imposent jusqu'à la conclusion.
Aux rêves récurents et fragmentés de Jane, à ceux, prémonitoires, où elle découvre ce qui risque de survenir, le réalisateur associe cette subjectivité constante (on se retrouve traditionnellement mis dans la peau (et le regard) du personnage principal) ; la réalité s'avère continuellement étrange, douteuse, angoissante ...
A ce sujet, si la première partie de l'oeuvre semble se focaliser sur les apparitions quasi-fantômatiques de l'homme effrayant interpreté par Ivan Rassimov, tous les repères éclatent dans la seconde ; les péripéties prennent un tour de plus en plus fou et débridé ; la menace contamine tout, paraissant établir un complot à l'échelle du monde entier !
Les décors signifiants d'un Londres automnal et déserté, les angles déstabilisants des prises de vue, ces regards, ces contrôles et ces observations (cet oeil récurent !), évidemment perpétuels et étouffants, ces lits comme un avant-gout du cerceuil, ces sommeils et ces évanouissements répétés de l'héroïne ... se font les vecteurs d'un mystère saisissant.
Les "absences" de Jane (encore appuyées par les ellipses du montage, qui creusent toujours le doute et la paranoïa ambiants) rejoignent celles, physiques ou psychologiques, qui construisent et déstabilisent continuellement son personnage :
abscence d'une mère disparue trop tôt, absence de cet enfant qu'un accident tragique lui a ravi, absences coutumières de ce compagnon (Richard est représentant et donc perpétuellement en déplacement), absence de relations (sexuelles, amicales, sociales ... (le couple a emménagé depuis peu et la jeune femme n'a pas encore réussi à se constituer un cercle d'amis, de plus elle n'a pas d'activité professionnelle ...)), absence de crédibilité (les "visions" de Jane se voient invariablement mises en doute par son entourage (Richard, Barbara, le psy.) et associées à ses troubles psychologiques) ...
Tout s'articule pernicieusement, enfermant la malheureuse héroïne dans une angoisse toujours plus oppressante.
Et si c'est tout d'abord l'environnement qui se teinte d'étrangeté, de danger et de folie, l'aliénation submerge bientôt Jane qui finit par retourner contre elle (puis contre les autres) la confusion et l'hystérie qui l'ont totalement happée (à un moment, elle pense se faire poignarder, or, nul agresseur n'est vraiment présent et c'est elle qui tient dans sa main les tessons de verre dont elle s'est inconsciemment blessé ; vers la fin, on la découvre penchée sur le corps de Richard qu'elle vient vraisemblablement de poignarder au coeur ...)
Malin, Martino nous projette constamment dans le doute et les questionnements, livrant plusieurs lectures possibles de ses déchainements fantasques :
Jane est-elle complètement folle et finalement responsable de tout ?
Tous ces événements ont-ils en définitive une réalité effective ou ne s'avèrent-ils pas les manifestations de son esprit dérangé ?
Quelqu'un manipule-t-il volontairement la vulnérable jeune femme ? (Alors qui ? Richard, ce boy-friend décidément trop opaque ? Ce tueur impassible et muet au regard fixe et dévorant ? Barbara, cette soeur si différente et sûre d'elle ? Ce psychiatre qui n'hésite pas à accueillir et à cacher sa patiente dans son pavillon de campagne (pour mieux la manipuler encore ?) Ou encore les membres sournois de ce club de sorciers dingues, infiltrés partout, qui paraissent insister pour la faire plonger dans les souvenirs d'un trauma trop douloureux ?
Mais, plutôt que de tabler sur la schizophrénie et sur le fantastique, d'interpréter jusqu'au bout la folie et une irréalité anxiogène, le réalisateur préfère sacrifier aux lois "classiques" d'un récit en bonne et due forme, ravivant in extremis les codes les plus traditionnels d'un retournement logique : le mystère s'élucide, la réalité recouvre ses marques dans un final thrilleresque presque trop simpliste.
C'est également tout l'irrésistible talent de Sergio Martino de continuellement surfer entre conventions et originalité : ici, l'énigme ésotérique et la confusion mentale ne débouchent en fin de compte que sur une banale histoire de gros sous (on convoite un héritage dont l'héroïne ne soupçonnait même pas l'existence !)
Pourtant, s'il sacrifie aux impératifs d'un certain "entertainment" (du rythme, des péripéties, des meurtres, de la nudité, les rouages plus ou moins convenus d'une machination, le happy-end ...), le cinéaste habille sa mécanique d'une mise en scène toujours étonnante et maitrisée et il n'hésite pas à mixer des influences très diverses et possiblement contradictoires (on passe du polar à la psychanalyse, de l'épouvante gothique à l'ésotérisme psychédélique, du fantastique au drame psychologique, de l'angoisse à la critique, du portrait au film d'aventure, de la BD pour adultes et de l'érotisme à l'horreur ...)
La photo rutilante fait chatoyer les coloris pourtant retenus (une gamme savante de bruns, de jaunes, de verts et de gris).














On se souviendra cependant tout de même de cet appartement plongé dans une pénombre sanglante ou de cet autre où les tons mauves et verts et quelques accessoires (un rideau de perles, de la fumée de cigarette ...) tissent avec trois fois rien une atmosphère superbement vénéneuse.







On retiendra aussi le bleu éclatant, comme un fil conducteur vers la libération et un ciel sans plus de nuages (bleu pourtant constamment lié au mal : les yeux perçants d'Ivan Rassimov, ces cachets étranges que Richard fait prendre à sa fiancée, les griffes de métal du gourou ...)



La caméra multiplie les signatures et les prouesses, abusant (avec bonheur (?)) des plongées et des contre-plongées, du grand angle ou des objectifs à courte focale ...
L'image se floute, se déforme, use des effêts de miroir ou de kaléidoscope ; les plans s'avèrent souvent très travaillés, les cadrages magnifiques et l'ensemble reste invariablement servi par un montage redoutable.










Aux thématiques déjà évoquées de la famille (perdue, sectaire, manipulatrice et trompeuse (Barbara), ou anonyme (cette famille dans le métro, le vieux couple des gardiens ...)) de la maladie (névrose, folie, remèdes, vitamines, psychiatre, médecins, hopital, blessures, avortement, contamination ...) ou du regard (intérieur, voyeur, espion, hypnotique, inquisiteur ...) et de l'oeil (le signe cabbalistique, emblème de la secte satanique ; le détail saisi par Richard (qui démasquera finalement l'une des responsables et par là même toute la conspiration)...) peuvent s'ajouter encore d'autres motifs.








Ainsi, l'empêchement systématique (ascenseur bloqué, téléphone en dérangement, voiture qui refuse de démarrer, portes closes (ou accidentellement refermées avec la clé à l'intérieur, le personnage se retrouvant à la porte de chez lui (alors qu'une menace se concrétise dans l'escalier !)), rendez-vous manqués ...) vient-il encore souligner (et compliquer) les difficultés et les barrières psychiques de la pauvre Jane (qui, entre ses obsessions et ses mésaventures, ne connait pas un instant de répit !)


Ainsi la nature, étonnante et constante (bien que l'action se situe dans le cadre hautement urbain de Londres !) : ce vent perpétuel qui fait pleuvoir les feuilles mortes et qui malmène les chevelures, ces arbres témoins des autres ages, ces troncs contre lesquels on s'abime, ces parcs si verts, déserts et illusoirement paisibles, ces champs où l'on se réveille, hagard, espérant avoir rêvé, ces bois où l'on fuit poursuivi par des chiens agressifs, les eaux grises et trompeusement inertes de la Tamise, l'énigme de cette berge paisible sur laquelle tombe une nuit symbolique ..., la nature comme le pendant sauvage d'une humanité faussement normale, banale, canalisée ...





Les blessures de l'âme débouchent sur des plaies effectives (Coups de couteau, de fourche ou de revolver, coupures, morsures, griffures, égorgements ...) ou sur des marques plus singulières (chaque membre de la confrèrie démoniaque arbore le même tatouage (cet oeil encore et toujours !)) ...




Et, fidèle aux poncifs giallesques, Martino épanche une nouvelle fois toute l'inquiétante photogénie des cages d'escaliers (décors classiques et redondants de séquences pleines de suspens et de terreur) tout comme les sempiternelles évocations et symboliques du reflet (Miroir, miroir magique !) ...


"Tutti i colori del buio" (autrement dit : Toutes les couleurs de l'obscurité. Quel titre sublime tout de même !) entérine donc tout le savoir-faire, toute l'ingéniosité et l'inventivité de son réalisateur.
Il est vrai qu'il est, ici encore, fort bien secondé ; ne serait-ce que par son "clan" : son frangin, Luciano, à la production et le prolifique et diabolique Ernesto Gastaldi au scénario ...
Niveau distribution, rien à redire ; au trio emblématique (et charismatique) formé par les fidèles Fenech, Hilton et Rassimov, Martino adjoint deux autres habituées du genre (Nieves Navarro (aka Susan Scott) et Marina Malfatti) : autant dire que le casting en jette !
L'interprétation reste convaincante et les dialogues point trop bavards ni délirants ne désservent jamais l'harmonie de l'ensemble.
Je ne pouvais évidemment pas oublier de mentionner le génial Bruno Nicolai qui concocte pour l'occasion l'une de ses B.O les plus inspirées, tour à tour enchanteresse, mélancolique et sublime ou délirante et psychédélique en diable (c'est le cas de le dire !)

A découvrir ou à revoir sans restriction, ce beau giallo témoigne avec superbe de toute l'élégance (certes, parfois un peu foutraque, un peu canaille, mais tellement "italienne" et si sympathique !), l'anticonformisme (eh, oui !) et la générosité d'un genre détonnant !
Dans le registre, ce "Tutti i colori del buio", onirique, atmosphérique et sexy, mérite de figurer au rang des fleurons et demeure sans doute l'une des oeuvres les plus abouties de son auteur.

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