Attention, spoilers !

La plupart des critiques et des développements proposés dévoileront des indices et des informations qui pourraient fausser l'effêt de surprise et révèler les dessous et les résolutions des oeuvres citées ...

A bon entendeur ...


Que cela ne vous empêche pas de me visiter, de me lire et de me laisser vos remarques.

samedi 16 février 2008

SUSPIRIA (suite) : soupirs de plaisir













SUSPIRIA







SUSPIRIA (2)


On sait que l'inspiration vient en grande partie des écrits de Thomas de Quincey et de l'engouement de Daria Niccolodi (alors compagne de Dario Argento et coscénariste) pour la sorcellerie.


On sait aussi que le réalisateur a désiré retrouver les ambiances et les couleurs flamboyantes du technicolor et des vieux Walt Disney (le rapprochement avec "Blanche-Neige" est d'ailleurs saisissant (la guimauve en moins) :
Les postures et la gestuelle de l'héroîne, la fuite de la première victime dans la forêt bleue, les rictus et l'acharnement sardonique des sorcières, la nourriture et le vin drogués contre la pomme empoisonnée, le coeur poignardé, le sommeil de Suzy, le sommeil de mort des jeunes curieuses, le paon de verre dans la chambre de la reine des sorcières contre le paon en motif sur le trône de la méchante reine de Disney ...)





Pourtant, n'oublions pas que nous nous trouvons dans un film de Dario Argento et, ici, ses "tics" et sa patte explosent superbement.


On retrouve notamment le leitmotiv récurent de l'indice présent dès le départ (un indice qui peut être visuel ou (et) auditif suivant les films).
La clé de tout nous est même livrée dès la première scène, à l'arrivée de Suzy à l'école, mais, comme l'héroïne, nous ne saisissons encore rien.

Cette fois c'est une fleur, partie d'une fresque en trompe-l'oeil à la Escher décorant le mur du bureau de la directrice de l'école qui mènera à la vérité et à la conclusion.


Dès le début, une jeune ballerine avait déjà tout découvert et tout dit mais la pluie torrentielle et le vacarme de l'orage nous empêchaient (et Suzy avec nous) d'y prêter réellement attention.

Et puis l'indiscrète était morte. Terriblement. Somptueusement.
C'est aussi toute la réussite de "Suspiria":
le premier quart d'heure justifie à lui seul toute la magie et l'originalité de l'oeuvre.
Tout nous est offert, tout est là :
le décor, la musique (envoutante), l'énigme et une partie de sa solution et puis surtout un meurtre magnifique, peut-être l'un des plus beaux de toute la filmographie de son réalisateur.


Sous les yeux de Suzy qui arrive de l'aéroport, la victime quitte précipitament l'école sous la pluie battante, court, hystérique, à travers la forêt qui les sépare de la ville, rejoint finalement une batisse imposante où elle se réfugie : intérieur superbe, coloré, surchargé ...





Mais chez Argento,on n'est pas plus en sécurité à l'intérieur qu'à l'extérieur (bien au contraire !). Arrivée chez une amie, la jeune femme s'enferme dans la salle de bains (où l'on retrouve Escher et ses motifs d'oiseaux-poissons basés sur les illusions d'optique).

Le spectateur se doute de l'imminence de sa mort mais, comme fréquement, Argento prend tout son temps et joue sur les effêts, prolonge l'attente, exacerbe la musique et les sons, multiplie les points de vue et les effêts de surprise (le "truc" de la fenêtre qui s'ouvre brusquement). L'attente et l'angoisse de la victime gagnent le spectateur.
Soudain, deux yeux jaunes s'allument dans l'obscurité, derrière la fenêtre (on retrouvera ce "motif" vers la fin : lorsque Suzy, restée seule à l'école voit s'allumer derrière un carreau les clignotements des yeux de ce qui se révèlera une chauve-souris (énième avatar de la sorcière)).


Ensuite, plus rien...
Quand un bras velu et griffu surgit finalement de nulle-part !



Et le massacre peut commencer. On ne sait plus vraiment où l'on se trouve ni comment mais c'est sans importance. La jeune fille, acculée, n'en finit plus d'agoniser sous les coups de couteau répètés.


Le réalisateur insère un gros plan cruel sur son coeur mis à nu et transpercé par la lame.

Puis, c'est l'apothéose : ligottée au-dessus du vitrail fluorescent qui enchasse le plafond, la victime exhale ses derniers souffles ; le verre cède sous le poids de son corps, la faisant chuter sous les yeux de l'amie qui l'avait recueillie. Elle se retrouve pendue aux cables électriques dont elle avait été entravée et sa compagne est elle aussi tuée, par la pluie des éclats tranchants du vitrail.



Dario Argento termine par un panorama sur les "dégats": Le Meurtre considèré comme faisant partie des Beaux-Arts


Tout Argento se retrouve résumé dans ces premiers instants.



La chute et la pluie constituent l'un des motifs répètés du film.
La chute de ce corps qui crève le plafond et vient se pendre;


Plus loin, la chute de Sara, une autre victime, qui, croyant échapper au rasoir de l'assassin s'échappe d'une pièce du grenier par une lucarne d'où elle tombe dans un enchevêtrement de rouleaux de fils de fer où, prisonnière, elle ne peut qu'attendre l'égorgement final.






Chute du maléfice de la sorcière (et de la caméra du réalisateur) sur le pianiste aveugle alors qu'il traverse, seul avec son chien, une place inquiétante et déserte ; Chute de " l'oiseau au plumage de cristal", un paon de verre sur un guéridon dans la chambre d'Héléna Markos, objet que l'héroïne fait malencontreusement tomber et qui réveille la terrible sorcière ; Chute du sac de Sara dans le vestiaire (Suzy l'aide à en ramasser le contenu ; c'est ce qui provoque leur rencontre) ; Chute de Suzy, envoutée, pendant son cours de danse ; Chute et destruction finale des éléments du décor et de l'école maudite.


Pluie torrentielle qui ruisselle, inonde et noie tout, contaminant et propageant le mal davantage qu'elle ne purifie ; Pluie d'asticots tombant des plafonds de la Tanz Académie sur les chevelures et les visages des pures jeunes filles.



(à suivre...)

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