






4 MOUCHES DE VELOURS GRIS
(2)
On ne voit même pas à quel point on est seul !
Et on n'est jamais plus seul, effectivement, que quand on est entouré (de la foule anonyme des rues, de ses amis, des couloirs fréquentés du métro, d'un parc plein d'enfants ...) ;





Et on a beau appeler et se débattre, les autres, derrière leur "mur", mettront beaucoup trop de temps à comprendre et à nous venir en aide (le meurtre de la bonne, Amélia, en est l'illustration !)



Ainsi, le téléphone, symbole appuyé de la communication, et en même temps (et surtout) symbole de la mort (Amélia appelle le criminel d'une cabine téléphonique pour une tentative de chantage (Dario Argento s'amuse d'ailleurs à suivre de sa caméra le chemin de la conversation, longeant les cables, les fiches, les boitie







L'impossibilité et la difficulté d'exprimer, d'avouer rejoignent le leurre de la (non)communication
(Roberto ne finit par confier ses problèmes à sa femme que lorsque celle-ci insiste trop (et il le regrette presque aussitôt et revendique la solitude et la paix) ; la culpabilité qui l'empêche de faire appel à la Police ; son mutisme et son replis sur lui-même face à la superficialité des "habitués" de la maison et des musiciens de son groupe ...)


Et lorsque tout vacille autour de soit, on peut encore essayer de "tromper l'ennemi" en se réfugiant dans la musique (Roberto ne paraît jamais plus heureux que derrière sa batterie et dans son travail) ou dans une aventure (Roberto s'évade dans une liaison avec Dalia, la cousine de sa femme).





Quoi que l'on fasse, l'enfermement est là, prévisible et obligatoire !
L'Enfermement comme un leitmotiv du film.
L'Enfermement du couple (où il ne peut vraisemblablement plus y avoir de communication réelle, plus de joie ni de partage, où l'on semble, même, ne plus faire l'amour, où l'agacement et le rejet ont supplanté tout le reste (les gestes, les paroles, les attitudes de Roberto et de Nina ne vont jamais dans le même sens) ; le couple des parents de Nina, évoqué à la fin, comme la prise de pouvoir et l'aliénation de l'un par l'autre...)
L'Enfermement du couple (où il ne peut vraisemblablement plus y avoir de communication réelle, plus de joie ni de partage, où l'on semble, même, ne plus faire l'amour, où l'agacement et le rejet ont supplanté tout le reste (les gestes, les paroles, les attitudes de Roberto et de Nina ne vont jamais dans le même sens) ; le couple des parents de Nina, évoqué à la fin, comme la prise de pouvoir et l'aliénation de l'un par l'autre...)


L'Enfermement dans une maison (ces édifices modernes ou anciens, filmés comme des énigmes, des choses hérmétiquement closes recelant des regards qui épient et fomentent, des dangers, des secrets ; la maison-piège de Roberto où les intrus, les indices, les objets et les menaces apparaissent et disparaissent presque surnaturellement ; les maisons de fous (ici, établissement privé et luxueux) ;
Ces demeures et ces lieux pleins d'ombres, de bruits suspects, de miaulements et de cris où l'on se terre mais dont il est impossible de s'échapper ...)




L'enfermement du cercueil qui viendra irrémédiablement (la scène ironique du salon funéraire où les visiteurs essaient leurs futurs cercueils (le modèle à deux places, un autre qui renvoie à la "Vierge de Nuremberg"...))



L'enfermement dans une vie d'habitudes et de compromis...
L'enlisement dans un guet-apens dont on ne maitrise rien !


Et à l'image de ces allusions, le spectateur se retrouve enfermé dans l'énigme d'un film qui ne dévoile pas un instant la moindre piste ou la moindre raison, même supposée, le moindre indice à cette machination.
Le Mal et l'insécurité sont d'autant plus prégnants qu'ils semblent jaillir gratuitement et que l'on ne peut, comme le héro, que les subir en attendant la suite, perdus, sans comprendre rien.
Dario Argento, tout à son mystère, nappe sa mise en scène de cadrages élaborés, de beaux tableaux abstraits qui font songer à Mondrian, de jeux contrastés de couleurs, de motifs, d'ombres et de lumière.
Le décor de la maison des Tobias comme un vivier de géométries superposées, entrecroisées qui emprisonnent les silhouettes et les ombres de ses occupants.
Le labyrinthe n'est pas éloigné ...
Celui des décors (la ville, les rues, la maison, les parcs, les souterrains du métro...) correspondant à cette volonté d'isolement et d'emprisonnement de ses personnages et à l'enfermement de l'esprit dans l'obsession et la folie (folie désirée, recherchée, manigancée pour Roberto, folie douce d'Arosio ou de Dieudonné , folie meurtrière de Nina ...)




La révélation finale reposant une nouvelle fois sur l'aliénation et les dérangements psychologiques des personnages : le traumatisme de la fille, murée dans la folie par un père-bourreau, soignée en institut mais privée de sa vengeance par le décès brutal de ce géniteur, privée de son besoin essentiel de châtiment.
En rencontrant son futur mari, cette malade a reconnu dans ses traits le visage haï du père et a enfin pu imaginer l'assouvissement de sa mortelle rancoeur.
Rendre fou comme on l'a rendu folle, tel est le but de la criminelle ; et faire expier à son compagnon, sosie innocent d'une figure traumatisante, les fautes de l'autre.
En rencontrant son futur mari, cette malade a reconnu dans ses traits le visage haï du père et a enfin pu imaginer l'assouvissement de sa mortelle rancoeur.
Rendre fou comme on l'a rendu folle, tel est le but de la criminelle ; et faire expier à son compagnon, sosie innocent d'une figure traumatisante, les fautes de l'autre.




La métaphore du couple comme répercution et aboutissement du passé, comme machine à faire perdre la tête (non plus amoureusement mais littéralement et réellement (voir les rêves récurrents de Roberto - une éxécution au sabre, et la mort de Nina qui leur correspond (elle est décapitée dans un accident de voiture)).






Cette vision est désesperément noire et sans concessions !
Pour l'anecdote, il a été dit plusieurs fois, que l'acteur Mickael Brandon était une décalque du réalisateur et le film, une sorte d'exhutoire à la crise conjugale qu'Argento traversait à l'époque...
Quoi qu'il en soit, le couple se fait ici le lieu, l'origine, de toutes les violences, une instrumentalisation monstrueuse de l'autre, la cohabitation de deux solitudes haineuses, de deux égoïsmes, un combat, un travail, une lutte machiavélique pour redevenir soit-même !
Eternel dilemne de cet autre dont on n'a besoin finalement que pour le tuer !
Pour l'anecdote, il a été dit plusieurs fois, que l'acteur Mickael Brandon était une décalque du réalisateur et le film, une sorte d'exhutoire à la crise conjugale qu'Argento traversait à l'époque...
Quoi qu'il en soit, le couple se fait ici le lieu, l'origine, de toutes les violences, une instrumentalisation monstrueuse de l'autre, la cohabitation de deux solitudes haineuses, de deux égoïsmes, un combat, un travail, une lutte machiavélique pour redevenir soit-même !
Eternel dilemne de cet autre dont on n'a besoin finalement que pour le tuer !

La Mort, toujours en filigrane, durant tout le film.




La mort de l'amour ; la mort du père ; le voeu de la mort à petit feu de ce mari, choisi par vengeance ; la mort simulée d'un inconnu tout vêtu de noir ; la mort d'Amélia dans ce parc aux couleurs de cimetière ; celle du complice, devenu trop gourmand et bavard, auquel on fracasse la tête et que l'on "termine" en l'étranglant ; la mort du chat, retrouve "sous vide"; le meurtre d'Arosio, homosexuel, qui finit sinistrement dans ces toilettes publiques du métro ;



la fin de Dalia, angoissante et splendide ;

Son oeil mort et pourtant "parlant"(Nina sera identifiée grâce à cet oeil, la dernière image entrevue par la victime demeurant gravée sur sa rétine : en l'occurence une mouche figée dans le pendentif de la meurtrière et démultipliée par le mouvement (d'où le titre !) ;


L'éxécution de ce personnage, sur une grande place d'Arabie, qui revient quatre fois en cauchemard prémonitoire ; l'accident final et spectaculaire de Nina, alors qu'elle tentait de s'enfuir ;


La mort qui se vend (le Salon funéraire) et qui s'achète (le complice, la machination) ; la mort qui inspire des histoires (celles, racontées, des funérailles d'un grand chef cuisinier ou d'une version érotico-comique du mythe de Frankenstein ; la mort, toujours à Une des journaux ; cette mouche embêtante, au tout début, qui finira écrasée entre les deux cymbales de la batterie de Roberto, prise au piège comme il le sera lui-même ! ;

Les pulsations de ce coeur nu qui bat encore, affiché, comme une annonce, un symbole, sur le générique de début, et entendu en rythmique oppressante sur la bande sonore d'Ennio Morricone.




Une manière presque musicale de construire et de mener son oeuvre.

Après la parenthèse historico-burlesque de "Cinq jours à Milan", le cinéaste synthétisera admirablement le meilleur de ses trois premières créations, ses trois giallos, pour créer la quasi-perfection en la matière : stylé comme "L'Oiseau...", vif et parfaitement huilé comme "Le Chat...", étrange et fascinant telles ces "4 mouches..." : "Les Frissons de l'Angoisse" !

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