Attention, spoilers !

La plupart des critiques et des développements proposés dévoileront des indices et des informations qui pourraient fausser l'effêt de surprise et révèler les dessous et les résolutions des oeuvres citées ...

A bon entendeur ...


Que cela ne vous empêche pas de me visiter, de me lire et de me laisser vos remarques.

lundi 14 avril 2008

Le Cinéma de Dario Argento 12 : 4 mouches de velours gris





















4 MOUCHES DE VELOURS GRIS





Roberto Tobias, jeune musicien sans histoires, se rend compte qu'il est constamment épié et suivi par un personnage mystérieux.
Excédé, le jeune homme, voulant tirer les choses au clair, affronte l'étrange individu ; mais le règlement de compte tourne accidentellement au drame : l'homme qui avait sorti un couteau, se retrouve mortellement poignardé !
Et comme un fait exprès, quelqu'un, masqué et tapi dans l'ombre, a tout photographié !
Le maître-chanteur ne cessera plus de harceler Roberto, téléphonant, s'introduisant chez lui sans cesse et glissant partout les photographies qui le compromettent et des messages menaçants ; curieusement, sans rien exiger d'autre que le plaisir de rendre la vie du jeune homme infernale !
Bientôt, le chat disparaît comme la bonne que l'on retrouve sauvagement assassinée. Roberto peut désormais craindre pour sa famille et pour lui-même.
Avec l'aide de deux marginaux éclairés et celle d'un détective raté mais opiniâtre, Roberto va devoir affronter une vérité qu'il n'aurait jamais soupçonnée !
L'image de quatre mouches, gravée sur la rétine d'un cadavre, sera l'indice étonnant qui confondra le coupable.


La trilogie "animalière" de Dario Argento se poursuit et s'achève avec ce troisième film.
Si le précédent ("Le Chat à 9 queues") pouvait être taxé de trop timoré et trop respectueux des conventions du thriller, la nouvelle oeuvre se révèle sombre et étrange à souhait, perpétuellement teintée d'une sourde inquiétude.

La réalité bascule dans le cauchemard et le film se nourrit du fantastique qui gangrène la raison de plus en plus incertaine et vacillante de ses héros.
Le monde n'est finalement que ce que nous en percevons !

Partant de là, Argento peut se permettre de confondre l'apparente sécurité des choses en place pour laisser libre cours aux assauts du danger et du mystère les plus déstabilisants.
Schématiquement, "4 mouches de velours gris" raconte un véritable travail "de sape", obsessionnel, machiavélique, terrible et désaxé.

Et on pénètre dans l'histoire non plus vraiment par les méandres et les ressorts d'une enquête, mais par une succession d'évènements aux répétitions et aux répercutions à chaque fois plus inquiétantes faisant songer aux cercles concentriques et toujours plus resserrés d'une spirale sans fin.





Le héro de l'histoire est piègé dès le départ ; et c'est ce piège où il se débat vainement qui structure tout le film, la seule responsabilité de Roberto résidant dans le fait d'être tel qu'il est, dans son apparence physique.
C'est pour ce physique, ce visage qui est le sien et auquel il ne peut rien, motif dérisoire, définitif et implaccable, qu'il va voir son existence devenir un enfer !
L'apparence physique comme cause des apparences trompeuses et mensongères de son entourage et de sa vie ...

Et, effectivement, autour de Roberto tout s'avèrera faux, calculé et différent de ce qu'il paraît !

A commencer par le mariage du héro qui n'est sûrement pas (plus ?) basé sur l'amour ; sa femme qui n'est pas ce qu'elle montre...;


Cette maison vaste et claire, toute en grandes baies vitrées, design et "branchée", pleine de monde et d'amis, qui va rapidement se muer en un lieu ténébreux regorgeant de menaces où le Mal entre comme chez lui : un tombeau où le moindre tiroir, le moindre recoin révèlera le cadavre d'un chat, des lettres anonymes, des objets ensanglantés, où dans l'ombre, la mort est toujours prête à frapper... ;


Ce quartier, tout ce voisinage, qui se connait, se rencontre mais surtout, s'observe, s'épie et se tend des pièges, et dans lequel finalement, bien que très entouré, on se retrouve encore plus seul !



L'apparence paisible et joyeuse d'un parc où les enfants s'ébattent, plein de fontaines, d'écureuils et d'amoureux, qui va se transformer, sitôt la nuit tombée, en un labyrinthe de roman gothique, un gouffre de murmures, de toiles d'araignées, de bruissements effrayants et d'inutiles appels au secours ;



Un homme que l'on pense avoir tué, et qui est, en réalité, tout ce qu'il y a de plus vivant ! ;
Un poignard qui n'est, au bout du compte, qu'un gadget de théatre (avec une fausse lame rétractile) ;
Un piège et un chantage finalement basés sur une illusion :
En effêt, Roberto pense qu'il a malencontreusement tué l'homme qui le suivait avec tant d'insistance, or, ceci n'est que le point de départ calculé d'une entreprise d'intimidation et de terreur, le noeud pour l'immobiliser et l'empêcher d'avertir la Police lorsqu'on ne cessera plus de le persécuter ; et l'homme, cet individu inconnu dont Roberto croit avoir causé la mort, s'avérera rien moins que le complice d'une sinistre mise en scène !
Il finira d'ailleurs par mourir "pour de bon" (des mains de son commanditaire, de la personne qui orchestre tout) ; l'apparence devenant, par le fait, une réalité.




L'apparence désinvolte de Dieudonné et du "Professeur" (les amis et seuls appuis tangibles de Roberto) se révèle plus vraie, plus efficace que tous les mensonges environnants.
Il est interessant de noter que l'aide ne parvient au héro que par le biais (et sous les traits) de personnages "ratés", méprisés, mis au ban de la société.
Le détective homosexuel qui n'a pas élucidé une seule affaire en trois ans en est, lui aussi, un bel exemple.
Contre toute attente, il découvrira l'identité et les motivations du coupable ...et en mourra avant d'avoir pu les rapporter !

Les amis boute-en-train, habitués de la maison, se font au contraire indifférents ou jaloux et, au final, possiblement coupables.


Une silhouette encapuchonnée rôdant sous la pluie et que l'on est prêt d'assommer, se révèle n'être que le facteur !



Une bonne à tout faire zèlée peut soudainement avoir des prétentions de maître-chanteur !



Un rêve qui se répète peut réellement trouver sa matérialisation.
Une ambiance festive de Carnaval avec confettis, masques et serpentins, peut se faire le théatre (littéral) d'un crime.
Et un masque, justement, un masque jovial et goguenard, peut devenir beaucoup plus qu'inquiétant et dissimuler tour à tour des âmes fourbes ou folles.












Tout est faux et apparences !



Le monde, ici dépeint, est faussement joyeux et fantasque (le groupe de musiciens dont fait partie le héro ; la maison de Roberto toujours pleine de monde, d'artistes, d'écrivains et d'élucubrations et d'histoires amusantes ; l'humour et l'anticonformisme de Dieudonné, du "Professeur" et d'Arosio le détective ...), en fait, avant tout, individualiste, interessé et profiteur
(le chantage, l'argent et la consommation en citations répétitives), menteur, aliénant et fasciné par la mort ( les journaux qui annoncent la mort d'un homme anonyme, repèché dans le fleuve (et que Roberto prend pour celui qu'il croit avoir tué), ou qui relatent celle d'Arosio ; le Salon de l'Art funéraire...).


L'hypocrisie ordinaire est la moindre des bassesses de cet univers impitoyable.
La plupart des gens y avancent masqués (comme le meurtrier et son complice cachés derrière le rictus ignoble d'une sorte de Tintin joufflu).


Et, comme toujours chez Dario Argento, la Vue, une nouvelle fois, imprime ses motifs.

Ici, la vision préméditée et photographiée d'un (faux) crime ; le voyeurisme et la curiosité de ces voisins qui s'observent et s'espionnent ; cette employée de maison qui a saisi les manigances et les secrets (et qui le paiera de sa vie !) ;

Arosio, le détective dont la plaque (et même la poignée de la porte du cabinet) s'orne d'un gros oeil ; le strabisme du facteur qu'on accuse de se tromper d'adresse ; le rêve répèté d'une scène de décapitation, comme une vision prémonitoire ; les photos du soit-disant meurtre dont on se sert pour intimider Roberto ; celles qu'Arosio étudie et dans lesquelles il déniche la clé de l'énigme ; cet oeil, outil d'une expérience incroyable, sur lequel demeure gravée la dernière image aperçue par la victime ....; les visions "d'outre-tombe" (l'oeil d'une morte) ou inconscientes (les rêves) primant, bien entendu, sur la simple vue toujours trop réductrice et soumise aux apparences, chez Argento.




(à suivre...)

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