

TRAUMA ( fin )


Les esprits "malades" de la mère (folie) et de la fille (anorexie) ;



Aura, elle-même, n'est finalement qu'une "tête", un esprit, pendant les 3/4 du film ;












D'où l'importance des motifs aériens (air et atmosphères toujours chargés de fumées et de brume ; papillons chassés par Gabriel ou en mobile dans sa chambre ; éoliennes décoratives dans le jardin du couple de lesbiennes ; voilages en labyrinthe dans la chambre de Nichola ; femme à la robe flottante dansant dans la cheminée et ballerine vaporeuse évoluant au plafond lors des visions d'Aura...)




et surtout la fréquence des allusions à l'eau, à l'élément liquide (orage et pluies torrentielles liés au choc traumatique et donc aux crimes ; lac bordant la maison de David ; fleuve dans lequel Aura veut se noyer au début du film ; larmes des têtes assommées que l'on découpe ; larmes d'Aura, coulant sur le visage de celui qu'elle aime et qui le réaniment ;













Argento feint de sacrifier ses outrances et ses obsessions aux codes du thriller horrifique mais il y met (heureusement !) toute sa mauvaise volonté et demeure fidèle à soit-même !





Du Giallo, il aura subsisté quelques figures de style :













Et de l'Amérique, rien, ici, n'est non plus exhalté !
Rien d'immédiatement identifiable, aucun aspect "carte postale": ni buildings, ni cowboys, rien de spectaculaire ni de grandiose, rien de pittoresque, seulement des extérieurs assez neutres et dépouillés et plutôt fonctionnels

Aux obèses, bouffeurs de hamburgers, Argento préfère les adolescentes anorexiques, aux néons clinquants, à la foule et aux batisses géantes, il oppose la demeure ancienne de la famille d'Aura, un édifice au cachet finalement très européen, des quartiers excentrés et résidentiels, une maison tranquille au bord d'un lac, des entrepots, et une nuit presque seulement éclairée par la lune.
J'ai évoqué maintes fois les points communs reliant "Trauma" et "Phenomena" et le fait que ce nouvel opus s'affirmait comme une relecture et le reflet inversé de son ainée.

Dans tous deux on retrouve l'image et le tranchant de ces têtes coupées, ces allusions à la psychiatrie et au monde médical et scientifique (les deux héroines sont menacées d'internement ) prolongées par le pouvoir, l'impact et la retranscription du rêve et de l'Inconscient ;






Ici, le temps a coulé. Dario Argento a traversé les épreuves de sa vie d'homme et de cinéaste ; la critique le boude, le dit moribond, et le public, crédule, et les fans eux-même, n'ont pas cherché à comprendre immédiatement les besoins de renouveau et le gout de l'expérimentation de celui qu'ils vénéraient.
Exilé aux Etats-Unis, le réalisateur revient avec "Le Chat noir", brillant essai cependant étouffé par son statut et son format, trop incertain et restrictif, de segment d'un film "à sketches", relié par l'argument d'un hommage à Edgar alan Poe (le film débute par une adaptation trop médiocre de Romero qui tire l'oeuvre vers le bas ! )
"Trauma" ne correspond pas aux attentes des magnats américains de la production.
Comme les derniers films de son auteur, il n'aura pas même les égards d'une sortie en salle de cinéma dans l'hexagone !
Pour peu que l'on s'en donne la peine, on le perçoit dans cette oeuvre, à la fois plus ouvertement critique, mais également inspiré par de nouveaux courants, de nouvelles préoccupations (l'influence de l'esthétique et du formatage télévisuel sur le cinéma et les spectateurs ; sa fille Asia qui grandit ( "Trauma" s'inscrit comme le premier film de ce que l'on désignera comme "La trilogie d'Asia") ; un ancrage plus réaliste...)
Pour finir, "Trauma" demeure peut-être l'un des films d'Argento dont l'histoire est la plus dure, la plus sinistre. Curieux (et en même temps révélateur) de constater qu'il est aussi l'un des moins sanglants, l'un des moins spectaculaires, l'un des moins "aimables".

Pourtant, tout à la fois cynique et inquiète, l'oeuvre exprime admirablement la violence dissimulée , sournoise, involontaire et obligée de notre monde.
Il est d'ailleurs amusant de relever que chez Argento, les films, a priori les moins percutants, les moins démonstratifs et les moins violents (visuellement parlant) s'avèrent, en définitive, les plus cruels et les plus sévères.

1 commentaire:
J'aime beaucoup TRAUMA...le film est un peu bancal (la musique de Pino Donaggio est parfois irritante-à part le très beau RUBY RAIN-,l'aspect "best of" trop appuyé...) mais sa facette intime est très touchante et attachante,le couple Asia/Rydell fonctionne vraiment très bien.
Un des films les plus mésestimés d'Argento avec THE CARD PLAYER.
Enregistrer un commentaire