


PELTS

Jake Feldman, un fourreur tyrannique et corrompu, voit enfin se présenter l'occasion de posseder la belle strip-teaseuse qui l'obsède : Il récupère les peaux magnifiques d'étranges ratons laveurs et créé un splendide manteau.
Un manteau véritablement ensorcelant puisque toutes les personnes amenées à participer à sa confection mourront atrocement !
La vengeance des fourrures magiques va, en effêt, conduire les responsables à s'identifier aux animaux qu'ils ont tués, à ces peaux qu'ils ont travaillées, dans des suicides et des meurtres aussi incompréhensibles que spectaculaires.
Au final, nul n'en réchappera !
Après la réussite de "Jenifer", Dario Argento rempile pour la deuxième saison de la série "Masters of Horror".
Il exploite une nouvelle fois la liberté totale qui lui est laissée, exacerbant encore son gout décomplexé du sang et du sexe.

La trame simpliste de son histoire dont l'argument est basé sur le commerce de la peau et de la chair et les retournements et la vengeance qui en découlent, lui permettent de se lacher totalement dans le gore le plus "craspec".


En cela, "Pelts" demeure plus que jamais fidèle aux principes de son créateur.

On le sent tout heureux, jubilant de pouvoir aller jusqu'au bout des finalités et des possibilités de ce qu'il raconte.
L'excès est donc là, dans toute sa vulgaire et magnifique splendeur !
Et si "Jenifer" se révélait déjà très glauque, sexué et spectaculaire, "Pelts" enfonce encore le clou !
Le format court et la dimension fabuliste de cette nouvelle oeuvre permettent un ridicule et une grandiloquence complètement assumés.
La psychologie, les bavardages ou les expérimentations passent à la trappe, au profit d'une mise en scène rutilante et appuyée et d'une démonstration très construite, logique et sans surprise, mais justement généreuse et jouissive !
Argento semble prendre sa revanche sur ces américains bien-pensants, ces magnats de la production et de la distribution qui ont si longtemps méprisé son art, son originalité, charcuté ses oeuvres et érigé la facilité et la rentabilité comme références ...
La représentation frontale et extrême de la violence constitue aujourd'hui le fonds de commerce de bon nombre de producteurs reconnus ; le gore a "pignon sur rue" et, à l'aune des récents succès de films déclinés en "suites" ("Saw" , "Hostel"...), on peut même se demander jusqu'où les financeurs sont prêts à aller pour peu qu'ils soient assurés de se remplir les poches !
Dario Argento saisit cette perche ; Mais, si il va multiplier les scènes et les images choquantes et repoussantes, c'est aussi, surtout, à l'instar de ses ratons laveurs vengeurs, pour dénoncer la corruption et l'inhumanité d'un monde mené par l'obsession du sexe, de l'argent, de la possession.

Le réalisateur ira même jusqu'à citer et reproduire la fameuse scène du bras tranché de "Ténèbres", si longtemps et souvent censurée, dans une version à la fois plus sèche et plus vulgaire.


En cela, "Pelts" demeure plus que jamais fidèle aux principes de son créateur.
Et sa mise en scène, outrée mais en même temps classieuse, ce mélange éternel, et ici tout particulièrement marqué, de trivialité et de beauté, d'excès et de poésie, s'avoue immédiatement et profondément argentesque.
Avec ses allures de diatribe extrême contre le commerce de la fourrure (on songe à ce spot publicitaire chic et choc de la fin des années 80, où le public mondain d'un défilé de haute-couture se retrouvait aspergé des flots de sang giclant des manteaux exhibés sur le podium), le film se révèle avant tout pour Argento l'occasion rêvée de broder (littéralement, et pas vraiment dans la dentelle !), de broder des variations autour du thème de la chair, de la peau.
Jusqu'à "Jenifer", le corps était déjà le lieu privilégié du délit, mais, par le biais symbolique des blessures et de la pénétration des lames. Les enjeux matériels ou sexuels étaient détournés, ignorés ou traités sur un mode onirique.
Même dans "Ténèbres", pourtant très érotisé, la chair n'exhultait jamais davantage que sous les coups de rasoir et de hache, et le sexe et le désir demeuraient méprisables, insatisfaisants voire traumatisants.
Avec "Jenifer", Dario Argento, un peu hypocrite et finalement moralisateur, s'est fait le dénonciateur d'une société obsédée par le cul et tout à la fois le metteur en scène et le voyeur réjoui des ébats lubriques et presque zoophiles de son "héro"avec une créature totalement animale.
Dans "Pelts", on retrouve cette combinaison du sexe, de l'animalité et du sang ; mais, ici, le monstre réel n'est plus l'animal (ou une créature qui s'y apparente) mais l'homme.
Et, si c'est toujours sa concupiscence (ou sa veulerie) qui le mènent à sa perte et l'animal qui triomphe et se venge, la fable s'avère encore plus impitoyable, plus outrée...
La déclinaison du thème de la chair (fantasmée, exploitée, travaillée, possedée, exhibée, charcutée, malmenée...) explore les registres les plus extrêmes, privilégiant la pornographie révoltante du gore sans complexes.
Dans le film, le réalisateur juxtapose constamment deux univers :
Le "Penthouse club", où la chair se dénude, s'étale, se met en scène et s'exacerbe ; où elle est désirée, possedée ; où elle se vend et s'achète...

Et le monde des hommes, du chasseur au responsable de l'atelier de confection (en passant par le tailleur et les couturiers...), celui des fabricants de manteaux de fourrure ; le monde où la chair est piègée, tuée, éviscèrée, taillée, coupée...


Ainsi, dans le club, les corps nus (et refaits) des filles se tordent lascivement, les hommes, spectateurs, se raclent la gorge, tandis que le "trappeur", dans son antre, racle la viande restée accrochée à la peau des animaux abattus.
























Shana mourra finalement elle aussi.




(à suivre...)
Cette peau destinée à la fabrication d'une fourrure splendide permettra la possession de la peau (du corps) de Shana.
Et, en fait de possession, c'est le manteau lui-même qui va envouter tous ceux qui auront contribué à son élaboration !
Si Argento souligne dès le départ le massacre révoltant des ratons laveurs, achevés à coups de semelle ou de batte en laiton puis découpés, s'il nous détaille les étapes plus ou moins sordides du traitement de leurs peaux, de leur découpe et de leur assemblage, c'est pour mieux justifier le terrible retour des choses, lorsque les hommes, hypnotisés, reproduiront dans leur propre chair ce qu'ils faisaient d'ordinaire à celle des animaux.
Car si Jake est fasciné et obsédé par la plastique plus que désirable de la danseuse, tous les autres vont se révèler semblablement envoutés par la beauté mortifère des peaux ensorcelées.
Le vieux trappeur est donc assassiné par son jeune assistant :
celui-ci lui défonce méchament la tête à grands coups de batte, celle-là même qui servait à écraser les bêtes prises au piège ; les morceaux de chair et de dents qui maculent le baton de fer rappellent ceux qui glissaient sur la lame raclant les peaux.
Le jeune homme termine son oeuvre en se lançant la tête la première dans un piège à loup qui tranche net son visage, confectionnant par la même occasion une sorte de masque humain atroce !
Les images de cette tête tranchée dans le sens de la longueur qui ne présente plus de visage mais son intérieur de chair, d'os et de jeysers sanglants est réellement abominable, d'autant que Dario Argento insiste sur les détails horribles de sa bande-son et sur les bruitages dégoutants. 



Vient ensuite le tour du tailleur qui, armé d'énormes ciseaux, se découpe méthodiquement la peau du ventre et remonte jusqu'au torse dans un grand gargouillis de bulles et de déchirures écarlates et qui extirpe ses tripes de leur cavité encore palpitante.







La couturière saisira sans ciller son aiguille la plus longue pour se coudre tour à tour les narines, les yeux et la bouche.








Et Jake, lui-même, après avoir offert le sublime manteau à Shana et enfin obtenu d'elle ce qu'il désirait (son corps, pour une étreinte aussi bestiale et grotesque que vite consommée !), possedé à son tour, s'arrachera la peau du torse pour l'exhiber et la remettre à la belle comme un ignoble vêtement de chair humaine !









Shana mourra finalement elle aussi.
Son bras, sectionné par le mécanisme de fermeture d'un monte-charge, rappellera la patte coupée d'un raton laveur qui avait cruellement réussi à s'échapper de son piège au début de l'histoire.




(à suivre...)
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