Attention, spoilers !

La plupart des critiques et des développements proposés dévoileront des indices et des informations qui pourraient fausser l'effêt de surprise et révèler les dessous et les résolutions des oeuvres citées ...

A bon entendeur ...


Que cela ne vous empêche pas de me visiter, de me lire et de me laisser vos remarques.

jeudi 1 mai 2008

Pelts 2 : la chair dans tous ses états !



Pelts (2)





Chair mécaniquement célèbrée et illusoirement offerte de la boite de strip-tease, chair profanée, baffouée et consommée des animaux, chair manipulée, suppliciée, déshumanisée des artisans de la confection... ; tout cela n'est que viande !



Dépourvu d'âme, de grandeur, de sensibilité ou de générosité, le corps n'est plus qu'une enveloppe, un objet, un vêtement, possiblement attirant, le plus souvent rien qu'un vulgaire assemblage de tissus, de liquides et d'ossements, le vêtement auquel on réduit, sans états d'âme, l'existence d'animaux innocents.


Au final, les animaux ont été vengés ; l'animalité infecte des hommes a été chatiée.
Les personnages principaux sont effectivement dépourvus de toute humanité, de tout sentiment ; uniquement animés et obsédés par les instincts les plus bas :
le sexe bestial, la possession (des autres ou de l'argent), l'interet (Shana est avide d'argent et d'une gloire hypothétique (elle veut devenir mannequin !)), la violence et la brutalité (le chasseur/trappeur ; Jake, violent, agressif et injuste avec son personnel ...), le profit (Jake vole les peaux des ratons laveurs ; ses employés asiatiques laissent entendre une exploitation illégale et abusive ...).
Et les rapports qui nouent tous les protagonistes ne sont jamais que des rapports matériels , de commerce et d'interet.
















Jake est sans cesse assimilé à un animal.
Ainsi, au début du film, lorsqu'il a acheté Shana pour une danse privée dans l'un des salons du club et que, surexcité, il tente de la soumettre, la belle se débat, se libère, puis, utilisant une chaise, comme peut le faire une dompteuse, elle vient à bout de la "bête fauve".

Semblablement, quand Jake, à la fin, découpe sa peau au tranchoir, la bande sonore renvoie les hurlements d'un cochon que l'on égorge.
Et lorsque notre (anti-)héro a enfin l'opportunité de posseder le corps de la strip-teaseuse, c'est encore une fois comme un animal qu'il s'en acquitte, brutalement, mécaniquement et brièvement.



A la description grotesque et sans nuances de ces êtres vils, aux couleurs agressives et fluorescentes du club, aux ambiances glauques et sinistres des ateliers et aux débordements sanglants, Argento oppose les images poétiques d'escargots, de lézards, d'une nature belle et innocente, pleine de fraîcheur, celles du domaine enchanté des ratons laveurs, où les ruines étranges et nimbées de brume, voisinant la bicoque d'une sorcière, exhalent de nouveaux relents de conte de fées et celles, émouvantes, de ces ratons dans le regard desquels se mirent leurs bourreaux, celles, mystérieuses et belles, de leurs museaux pressés par dizaines derrière les carreaux de la vieille femme, les images de ces peaux et de cette fourrure parcourues par des souffles et de curieuses irridescences ...


Le jusqu'auboutisme du présupposé "on va leur faire subir ce qu'ils font subir aux animaux" n'empêche nullement une mise en scène splendide.


Les éclairages, les ambiances et les couleurs flamboient.
Aux rouges et aux bleus saturés du monde de la danseuse viennent s'opposer les bruns, les ocres et les gris bleutés des univers malsains et ténébreux des tueurs d'animaux, écrins torves, ombreux et défraichis où les jaillissements sanglants ne s'avèrent que plus spectaculaires encore !


A l'arène stylisée d'un salon sombre, uniquement meublé d'une chaise rouge répond la clairière brumeuse délimitée par des ruines antiques où se débattent, piègés, des dizaines de ratons laveurs ;

aux néons clinquants de la façade vert et rose du Penthouse club répliquent la clarté lunaire des forêts, les ombres et les lueurs jaunâtres qui baignent les ateliers ;


aux caresses incontrôlées des mains et des visages, envoutés par les peaux -sorcières, correspondent les poses suggestives et les caresses mécaniques mimées par les danseuses lascives de la boite de strip-tease ;






Shana, triomphante, se mire, nue sous sa fourrure, alors que Jake est en train d'en façonner une nouvelle, aussi personnelle qu'ignoble, tranchant dans sa chair devant la glace de la salle de bain ;
au regard innocent et sans défense du raton laveur, où se reflètent les deux chasseurs, répondront leurs visages, écrabouillés à coup de batte ou arrachés par un piège et à la patte de l'animal succèdera la main coupée de la strip-teaseuse ...







Les hommes sont tous des alcooliques en puissance et les filles, des garces matérialistes et aussi peu avares de leurs charmes qu'elles sont dépourvues de sentiments ...
La barbarie, la bassesse et le vide humains s'affirment sans espoir !

Au final, on retrouvera les images qui introduisaient l'histoire, celles du carnage ultime, flashées par les photographes, celles de cette humanité réduite à ce qu'elle était déjà, avant la mort : un amas dégoutant de chair saignante !

Dario Argento stylise au maximum ses décors, ses cadrages, ses personnages ; il joue des clichés et des archétypes, forçant le trait à tous les niveaux, ne reculant devant aucun excès pour donner corps à ce (grand) guignol jubilatoire et toltalement maitrisé.

La musique, encore une fois signée par Claudio Simonetti, est en osmose totale avec le propos narquois et offensif du cinéaste : tantôt belle et orientalisante, tantôt purement illustrative, ou hérissée de cordes, rappelant, alors, le Bernard Hermann de "Psychose", et surtout, ironique, lorsque les victimes de l'envoutement des fourrures s'immolent et se découpent au son d'une ritournelle atrocement douce et mélodieuse !

Comme "Jenifer", "Pelts" ("J'aurai leur peau" pour la version française !), beaucoup plus qu'un simple exercice de style, s'affirme comme une oeuvre à part entière.
Incisif (c'est le cas de le dire !), agressif, superbe et choquant, sans temps morts ni demi-mesure, le film confirme une nouvelle fois le talent, le culot et l'originalité de son auteur qui réussit à nous surprendre et à nous remuer en dépit d'une intrigue " cousue de fil blanc" (si je puis me permettre !)


Dario Argento demeure un merveilleux artisan de l'image, un magicien de l'atmosphère décalée et marquante, le passionnant créateur d'un cinéma qui fait mouche, toujours beau, généreux, viscéral et profondément touchant, un fantastique agenceur des contraires, le conteur, toujours inspiré, de ce qui nous fait et nous interpelle, le réceptacle palpitant de nos inconscients.
"La Terza madre", film suivant et, à l'heure où j'écris, encore inédit et inconnu des spectateurs, ne peut que faire saliver d'impatience !
Imaginer l'Argento, totalement mature, virulent et plus libre et décomplexé que jamais, d'aujourd'hui reprendre (et clore) une trilogie datant de près de trente ans, permet des attentes et des espoirs passionnés !
Evidemment, le réalisateur ne manquera, sans nul doute, de nous surprendre !


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