








Et, plus que jamais, l'Art est, ici, sans cesse explicité, utilisé, integré et mis en scène.

Dès le début, le générique propose une sorte de déambulation au travers des chef-d'oeuvres de l'Histoire de l'Art :
Au son de la musique hypnotique d'Ennio Morricone, le côté droit de l'écran déroule tranquillement toutes ses beautés, passant de Rembrandt à Turner, de Lautrec à Chagall ... Matisse, Degas, Monet, Manet, Wharoll, Renoir ... Les détails des peintures se succèdent, mélangeant les styles, les ambiances et les époques ; des oeuvres, pour la plupart, très célèbres et imprimées dans la culture visuelle collective.


Puis, sans que la mélodie ne cesse, à ces déambulations plastiques, au déroulement image par image de cette "exposition", idéale et choisie, succèdent celui de la pellicule et du film, dans lequel on pénètre finalement, et les déambulations de l'héroïne dans les rues animées de Florence.


Ce parcours s'avère, lui aussi, sans cesse souligné par la permanence artistique des statues et des édifices anciens ou par celle, moins noble, des batteleurs et des caricaturistes saisis par la caméra.













Anna est tout d'abord fixée comme une sorte de pièce rajoutée des oeuvres (saisie de face entre les deux profils peints d'un homme et d'une femme, puis refletée dans "Le Printemps" de Botticelli ...).





















Toute la magie, l'étrangeté et la beauté de la création artistique et picturale trouve ici son reflet, son pendant cinématographique. Le ton est donné dès cette première scène sublime : l'Art, non plus uniquement exprimé (voir tous ces environnements, ces personnages, ces références dont fourmille l'Oeuvre d'Argento; voir aussi "l'Art de tuer", le meurtre, toujours tellement lié, chez lui, à la création), mais réellement vécu et senti au plus profond de soi.
La démonstration continue lorsque Anna regagne son hotel.
Dans sa chambre, c'est la reproduction de "La Ronde de nuit" de Rembrandt qui réactive le syndrôme, ouvrant, cette fois, une porte (réelle ?) sur la mémoire momentanément perdue de la jeune femme.
Le tableau se fait l'écho d'un passé proche et permet à Anna (et au spectateur) de resituer l'action et de prendre connaissance des enjeux et de l'intrigue (la jeune inspectrice se révèle sur les traces d'un violeur récidiviste qui a désormais pris la fâcheuse habitude de trucider ses victimes).
Plus loin, on fait connaissance avec l'appartement romain d'Anna, plein de reproductions. Puis, c'est dans la grande (et laide) peinture d'une fontaine italienne que la jeune fille pénètre, alors qu'elle patientait dans les locaux de la Police.
A Vitterbo, Anna exprime son désespoir en se mettant à peindre à son tour ; à peindre inlassablement le même terrible visage, hurlant, rouge et noir, rappelant autant "Le Cri" de Munch que le dessin morbide et enfantin des "Frissons de l'angoisse".






Un flash-back, situé dans le Musée étrusque de la ville, rappelle une Anna enfant, déjà en proie à un trouble intense et pratiquement en état de choc devant les sculptures à la fois belles et effrayantes.
Enfin, c'est au travers des murs taggés et graffités du réservoir où le maniaque la retient prisonnière, qu'Anna éprouve pour la dernière fois les terreurs engendrées par son affection : une seringue se matérialise, menaçante, puis les murs se mettent à transpirer du sperme et, finalement, c'est une créature démoniaque, et monstrueusement membrée et priapique, qui prend vie et s'extrait du mur peint.



On peut d'ailleurs noter que la dernière manifestation du syndrôme est également la plus terrible et la plus agressive ! Ce n'est plus l'héroïne qui pénètre à l'intérieur du cadre mais la représentation, l'image elle-même, qui acquiert une dimension matérielle, qui s'anime et qui pénètre le monde réel.
L'Art, encore, au Musée où travaille (et meurt !) Marie, l'amoureux : ces plâtres, ces bustes, ces têtes énormes et antiques, cette main gigantesque, ce cheval qui se cabre et Persée tenant la tête de Méduse .... ; le sang qui vient gicler, rouge sur la pierre blanche.
Ces reproductions qu'Anna achète et dont elle redécore son appartement : Delvaux, Ernst, Klimt ...; celle qu'elle retrouve au domicile de l'assassin avec la note où il faisait allusion à leur lien .
Cette évocation de Jackson Pollock (et de "Ténèbres") dans l'image de ce mur tout éclaboussé du sang du psychiatre.




Ce globe de verre contenant la miniature du "David" de Michel-Ange qu'Alfredo (le malade) vole à Anna et qu'elle retrouve chez lui.

Ces représentations quasi-christiques d'Anna, attachée (crucifiée) sur un matelas crasseux ou, à la fin, prostrée dans les bras des policiers pour la version contemporaine d'une Pièta ...






L'Art est donc cité et utilisé du début à la fin du film ; sous toutes ses formes, de la plus noble à la plus vulgaire, de la plus directe à la plus figurée...
L'Art dans tous ses styles et de toutes les époques...
Sculpture, peinture, architecture, dessin, graffitis ...
Musées, ateliers, boutiques, intérieurs...
Art antique, étrusque, baroque, symboliste, surréaliste ou contemporain...
L'Art est ici la fenêtre de l'esprit, l'endroit où s'exprime et se libère le Subconscient ; une nouvelle réalité de soi-même et du monde, mais aussi l'expression des angoisses, des sentiments, des sensations, non seulement d'un créateur, mais de l'esprit (trop) réceptif de celui qui sait le regarder.
Les oeuvres parlent (littéralement ! : Aux Offices, Anna perçoit le brouhaha des voix et des bruits des peintures, tout comme s'il s'agissait de scènes réelles !) ; ce sont des ouvertures, des passages, sur une dimension autre, mais cette fois réelle, d'elles-même où l'on vient s'inscrire, se perdre, s'immerger ou se retrouver.
L'hypersensibilité d'Anna, confrontée aux beautés monstrueuses des oeuvres, débouche sur cette perte de conscience, cet abandon d'une réalité pour une autre, sur cet état qui confine en même temps à l'hypnose, à la transe et à un retour sur soi presque psychanalytique !
( à suivre...)
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