


LE CHAT NOIR
(in "DEUX YEUX MALEFIQUES")

Rod Usher est un photographe morbide, particulièrement fasciné par le spectacle des crimes et des exactions les plus sanglantes.
Un jour, sa femme recueille une chatte noire, sur laquelle elle reporte toute son affection et son manque de maternité.
Dès le départ, une sorte de rivalité, sournoise et haineuse, se tisse entre l'homme et la bête.
Rod profite finalement de l'absence de son épouse pour torturer le chat, photographier son agonie et pour se débarrasser de l'animal.
Le chat noir ne cesse, cependant, de le harceler.
Sa disparition, puis ses photographies, publiées dans un ouvrage, deviennent les causes de disputes de plus en plus fréquentes et toujours plus violentes entre Rod et sa femme ; et l'animal le poursuit jusque dans ses cauchemards !
Le photographe sombre chaque jour davantage dans l'alcoolisme et la brutalité.
Le hasard l'amène à retrouver une bête en tout point identique à la chatte noire.
Fasciné, Rod la ramène chez lui, mais le motif d'un gibet, imprimé dans la fourrure de l'animal, lui rappelle un rêve épouvantable et toute sa haine, et le pousse à vouloir l'éliminer à nouveau ! Sa femme intervient pour empêcher son geste ; dans sa démence, c'est elle que Rod assassine !
Il emmure le cadavre puis met en scène un voyage, une séparation et un alibi à la disparition de sa compagne, disparition qui inquiète rapidement voisins et curieux ...
La chatte noire, malencontreusement murée avec l'épouse, est définitivement et véritablement achevée.
Mais, une visite, aussi inquisitrice que vaine, de la Police semble innocenter le criminel lorsque des miaulements répétés révèlent l'atroce vérité : avant d'être tuée par Rod, la chatte, grosse, avait donné naissance à ses petits dans la funeste cachette ; emmurés, les chatons ont survécu en se nourrissant du cadavre d'Annabel.
Démasqué, Rod réussit, malgré tout, à neutraliser les policiers ; mais sa tentative de fuite tourne mal et il se pend et meurt, réalisant finalement la sinistre prémonition de cette potence imprimée dans le pelage de la bête qu'il avait tant haïe !
Après le semi-échec d' "Opéra", oeuvre presque aussi maudite que le "Macbeth" qu'elle utilisait en toile de fond, remaniée, charcutée, censurée, mal ou pas distribuée, Dario Argento se retrouve une nouvelle fois dans une position aussi injuste qu'inconfortable !
Le film est superbe mais méconnu ou incompris et le réalisateur n'est guère épaulé par une critique qui clâme son essoufflement et sa fin ; une critique qui ne l'a jamais réellement accepté !
Le projet d'un film américain à sketches basé sur les contes fantastiques d'Edgar Alan Poe constitue le moteur, l'élément nouveau, qui va le faire rebondir.
Le projet d'un film américain à sketches basé sur les contes fantastiques d'Edgar Alan Poe constitue le moteur, l'élément nouveau, qui va le faire rebondir.
Au départ pressentis, John Carpenter et Stephen King, amis du cinéaste, se retirent du concept. Ne subsiste, au final, que George Romero, avec lequel Argento avait déjà oeuvré pour le mémorable "Zombie".
"Deux yeux maléfiques" se présentera donc sous la forme de deux segments d'une heure, distincts, et sans autre lien que leur inspiration commune à deux nouvelles de l'écrivain bostonnien.



Si le segment réalisé par Romero ("L'étrange cas de Mr. Valdemar") s'avère très décevant, optant pour une mise en scène caricaturale et impersonnelle, un traitement de l'intrigue aussi prévisible que laborieux et pour une esthétique désesperément plate, qui font davantage songer à un épisode de "Columbo" qu'aux réussites passées de son auteur, la deuxième partie relève totalement le niveau !

"Le Chat noir", conte aussi incisif et cruel que désespéré, fournit le matériau idéal pour que s'épanouissent le gout du fantastique et du macabre si chers à Dario Argento, son style sec, vénéneux et en même temps toujours expressionniste et surprenant, et son sens de la rigueur, du détail et de l'image.


L'écrivain et le réalisateur partagent effectivement cette mécanique parfaite et millimetrée, dépourvue de hasard et d'improvisation, de l'écriture (littéraire ou cinématographique), cette mélancolie un brin dépressive, cette singularité et cette identité indubitables et cet ancrage, ce côté réaliste du détail ou de l'événement fantastique, ce gout de l'Etrange et d'un onirisme d'autant plus dérangeant qu'il s'inscrit dans un contexte aussi familier que contemporain.
Ici, le chat du titre et de l'histoire imprègne toute la mise en scène :
A commencer par les mouvements d'une caméra, plus expressive et plus "féline" que jamais. Chat noir, sorcières (la femme de Rod devenue prétresse, pythie et juge impitoyable dans un rêve traumatisant ; la mystérieuse (et plantureuse) barmaid d'un club où le héro retrouve le chat (ou sa réplique !)) ; Regard phosphorescent et scrutateur de la bête ; griffures qui transmettent le Mal, la violence et la mort (jeu sur le cliché du chat noir/porte-malheur ) ; chatons antropophages et miaulements qui dénoncent et démasquent ; Symbolique "magique" et immortalité (les sept vies du chat) ; Supériorité, vision "juste" et pureté de l'animal ; la couleur sombre du chat et toutes les superstitions idiotes de tous temps liées à elle s'opposant à la véritable noirceur de l'homme...



Car, ici plus que jamais, l'animalité humaine trouve l'une de ses représentations les plus impitoyables et les plus exactes : Harvey Keittel, massif, viril, primaire, à la fois vulnérable et terrifiant, s'affirme comme son interprête idéal ! L'animal, c'est lui !



Cynique, violent, jaloux, dissimulateur, fasciné par la mort dans ce qu'elle a de plus sordide, le héro incarne à la perfection cette humanité désoeuvrée, vile, entâchée de bassesse et de pulsions destructrices.
Et, ici tout particulièrement, l'homme et la femme sont décrits comme foncièrement dissemblables.


La masculinité monstrueuse et grotesque de Rod sombrant désespérément dans l'excès et le meurtre et noyant sa veulerie et son affect, dépourvu de remords, dans l'alcool, se débat contre la féminité, l'insaisissabilité, l'illogisme d'un monde qu'il ne comprend pas !
Sa femme (et les femmes, en général) et le(s) chat(s) épousent cette énigme de la vie et de l'univers ; ils s'y adaptent, ils y participent ; mystérieux, sensitifs et contradictoires, ils contribuent même au trouble et au décalage de l'homme. 



Face à cette étrangeté du monde où rien n'est jamais arrêté, simple et carré ni figé (comme les clichés que Rod réalise !), si ce n'est dans la mort, le recours indispensable ne peut se trouver que dans le mensonge et la dissimulation (Rod ne va pas cesser de cacher ses méfaits et ses crimes successifs ; celui du chat puis celui d'Annabel, mentant continuellement et à tout le monde, cachant les cadavres ou s'en débarrassant, mettant en scène un faux voyage avec celle qu'il a tué ...)




Face à cette étrangeté du monde où rien n'est jamais arrêté, simple et carré ni figé (comme les clichés que Rod réalise !), si ce n'est dans la mort, le recours indispensable ne peut se trouver que dans le mensonge et la dissimulation (Rod ne va pas cesser de cacher ses méfaits et ses crimes successifs ; celui du chat puis celui d'Annabel, mentant continuellement et à tout le monde, cachant les cadavres ou s'en débarrassant, mettant en scène un faux voyage avec celle qu'il a tué ...)
Tout cela ne le conduit, au bout du compte, qu'à sa perte !
Rod était finalement piègé, dès le début, et ses emportements et ses manigances n'ont fait qu'aggraver les choses !
Dès l'irruption du chat noir dans sa maison, les faits vont s'enchainer inéluctablement et l'homme va actionner lui-même les mécanismes de sa propre destruction.


L'image du piège et du supplice parcourt d'ailleurs toute l'oeuvre :
Depuis le pendule énorme et tranchant qui a sectionné un corps féminin, au fond d'une cave, au tout début, en passant par les diverses variations autour d'une potence (motif de la fourrure sur la gorge d'un chat ; étranglement de l'animal (par deux fois !) ; gibet improvisé (avec supplice du pal) du rêve ; photographies qui sèchent,"pendues" à leur fil dans le laboratoire de Rod ; cadavre accroché dans la "penderie" ; pendaison accidentelle de la fin ...)
Cet instrument atroce qui a maintenu ouverte la bouche d'une victime, à laquelle un malade a arraché toutes ses dents ;



Le supplice du pal, auquel Rod est condamné et par lequel il meurt violemment sur l'ordre de sa femme, au cours d'un cauchemard ;


Ces menotes avec lesquelles les policiers croient entraver le coupable ;
Ce placcard muré qui devient le tombeau d'un cadavre (et de chats) ...;



Jusqu'au piège (à la "capture" d'images) des photographies (le métier du héro), à celui de l'alcoolisme illusoirement réparateur de Rod, à ceux du hasard (?) qui font tout basculer (les policiers ne seraient pas rentrés une nouvelle fois chez Rod si un stylo avait correctement fonctionné (le stylo avec lequel l'inspecteur souhaite se faire dédicacer l'ouvrage du photographe !)) ;



Le piège de ce livre, enfin, qui révèle le(s) meurtres(s) ...



Et dans ce monde où la fuite (réelle de la femme de Rod qui veut le quitter ; plus symbolisée de l'alcoolisme de héro ...) et le mensonge s'avèrent nécessaires à la survie, le manque prévaut.
Le manque d'enfants (le couple n'en a pas et la femme semble ravie d'accueillir un chat qui s'y substitue !) ; le manque de compréhension (Rod et son épouse, décrits comme diamétralement opposés) ; le manque d'amour (leur relation évolue vers la haine et la rupture) ; le manque de sensation, de sensibilité (l'indifférence de Rod et des policiers face à l'horreur quotidienne des crimes) ; le manque de confiance (Rod se méfie de sa femme et du félin ; Annabel a peur de son compagnon ; les voisins et les élèves se montrent constamment curieux, voyeurs ou suspicieux...) ; le manque et l'autodestruction.
La vie s'avère une violence que les hommes perpétuent, s'infligent ou expriment contre les autres ; un monde où l'on se torture continuellement, où l'horreur et la décomposition des cadavres devient banale et presque anodine, où elle se vend, même, exposée au fil des photographies d'un ouvrage qui trône dans la vitrine des librairies, un monde fasciné par la mort.
(à suivre ...)



Le piège de ce livre, enfin, qui révèle le(s) meurtres(s) ...



Et dans ce monde où la fuite (réelle de la femme de Rod qui veut le quitter ; plus symbolisée de l'alcoolisme de héro ...) et le mensonge s'avèrent nécessaires à la survie, le manque prévaut.
Le manque d'enfants (le couple n'en a pas et la femme semble ravie d'accueillir un chat qui s'y substitue !) ; le manque de compréhension (Rod et son épouse, décrits comme diamétralement opposés) ; le manque d'amour (leur relation évolue vers la haine et la rupture) ; le manque de sensation, de sensibilité (l'indifférence de Rod et des policiers face à l'horreur quotidienne des crimes) ; le manque de confiance (Rod se méfie de sa femme et du félin ; Annabel a peur de son compagnon ; les voisins et les élèves se montrent constamment curieux, voyeurs ou suspicieux...) ; le manque et l'autodestruction.
La vie s'avère une violence que les hommes perpétuent, s'infligent ou expriment contre les autres ; un monde où l'on se torture continuellement, où l'horreur et la décomposition des cadavres devient banale et presque anodine, où elle se vend, même, exposée au fil des photographies d'un ouvrage qui trône dans la vitrine des librairies, un monde fasciné par la mort.
(à suivre ...)
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