Attention, spoilers !

La plupart des critiques et des développements proposés dévoileront des indices et des informations qui pourraient fausser l'effêt de surprise et révèler les dessous et les résolutions des oeuvres citées ...

A bon entendeur ...


Que cela ne vous empêche pas de me visiter, de me lire et de me laisser vos remarques.

vendredi 16 mai 2008

Vous aimez Hitchcock 2 : la télévision tue !


VOUS AIMEZ HITCHCOCK ? (2)




Et que se passe-t-il derrière les écrans des fenêtres ?
La ville indifférente étale ses mystères nocturnes et bleutés. Turin, la cité fétiche du cinéaste, se fait le cadre ordinaire et détaché de l'histoire.
Les statues anciennes paraissent veiller cruellement à la perpétuation des drames, désignant et marquant de leurs poses hiératiques la banalité dérisoire et la médiocrité des hommes.
Les façades se jaugent, faisant songer à ces murs d'écrans télévisés au rayon électroménager des grandes surfaces : autant de spectacles, de tranches de vies et d'instants volés par les yeux du spectateur. Ces immeubles, où les styles architecturaux se mélangent, se font les cages que le voyeur étudie comme un entomologiste (l'entrée de l'immeuble (ancien) de Sacha comme une cloche de verre, un vivarium, géante et design).


Les appartements, illusoirement sécuritaires, où tout le monde et n'importe qui peut finalement pénètrer, deviennent des prisons possiblement mortelles, les lieux clos où les vérités les plus sinistres se révèlent, où les masques tombent.


Une fois encore, le mensonge et les tromperies et les abus de pouvoir s'avèrent tout-puissants et les rapports d'interêt priment sur tous autres.
Les fenêtres ouvertes d'une façade dénoncent, tour à tour, une patronne tyranique, un vieillard qui triche aux cartes, des disputes et des hurlements ...
Derrière le verre transparent des vitrages on peut saisir un meurtre, la tentative de chantage d'un supérieur, manipulateur et libidineux, sur une employée prise en faute, des ombres inquiétantes, des femmes excitées et vindicatives sacrifiant un coq à des rites de magie noire...


























Les personnages les plus amicaux ou les plus vulnérables se révèlent, au final, complices et meurtriers (Andrea, Federica ...).
Les filles s'exhibent nues en feignant d'ignorer leurs spectateurs ou s'arrangent pour faire tuer leurs mères ; les femmes complotent contre les hommes ; les femmes sont des sorcières !


Grimaçantes, échevelées et adeptes de rites aussi ancestraux que ridicules
(comme celles que Julio a surpris, enfant) ou sensuelles mais cruelles, froides et égoïstes (comme Sacha), ou encore plus névrosées, faussement fragiles et capables des meurtres les plus brutaux (Federica) ...

















De leur côté, les hommes s'affirment souvent faux, sournois, manipulateurs et stupides.
Tous ont en commun leur obsession du sexe (Ariana et la mère de Julio, elles-même, s'avèrent assez polissonnes et femmes avant tout) ou de l'argent (Sacha rackète sa mère puis la fait assassiner pour hériter ; Federica est victime d'un chantage parce qu'elle a dérobé des fonds à son travail ; Andrea devient complice pour de l'argent ...)

Bref, voyeuse, calculatrice, menteuse et indifférente, l'humanité n'a, une nouvelle fois, rien de bien reluisant !

Et si l'amour qui lie Julio et Ariana est évoqué d'une manière aussi sympathique et réaliste que finalement ordinaire, si la mère du héro, extravertie et visiblement possessive, s'épanouit dans les satisfactions d'une nouvelle relation, les êtres demeurent foncièrement inconstants, troubles et lubriques et le couple se fait le terrain d'un éternel jeu de pouvoir.


































Ici encore, Dario Argento écorne volontairement l'image de la famille, monoparentale et infantilisante (la mère de Julio) ou détestée (celle de Sacha).

Et, à la chute des objets (une bouteille brisée, une perruque noire, les affaires d'Ariana que Julio jette par la fenêtre après leur dispute, le verre contenant la mauvaise clé chez Sacha ...), objets que les protagonistes, maladroits, entrainent ou malmènent dans leurs tentatives de fuite, correspond la chute des corps éminament lourds, désesperément terriens (et "impurs" !) (Julio glisse, tombe et se blesse alors qu'il épiait Federica et son abject patron ; Federica glisse du toit de l'immeuble et échappe de peu à la mort ; Andrea qui s'enfuyait, est percuté par une voiture : il tombe et meurt ...)

Et si la caméra s'élève souvent, montant le long des façades, des arbres, au sommet des batiments, si, surplombante, elle désigne la ville aussi faussement tranquille que ces statues juchées sur ses hauteurs, si les personnages s'inscrivent régulièrement derrière leurs fenêtres, comme depuis des perchoirs, d'où l'oeil peut contempler et louvoyer à loisir, c'est irrémédiablement vers le bas que tout se ramène, se sauve, s'agite, dans des mouvements aussi désordonnés qu'inutiles.








Car l'immobilité est ce qui demeure !
Celle des corps privés de vie, bien sûr, mais, finalement, celle qui régit tout.

Ainsi, les personnages sont-ils continuellement figés sur des canapés et des lits ; ainsi Julio se retrouve-t-il immobilisé et plâtré (comme James Stewart dans "Fenêtre sur cour").
Et les tentatives de fuite se voient souvent empêchées (par des portes, une automobile, par le vide ...)
Cette immobilité et cet enfermement des êtres, y compris dans leurs idées fixes, leurs tractations et leurs manigances, se retrouvent dans le statisme et le manque d'enjeux et d'envergure de l'intrigue et de son traitement.
Immobile et spectateur : ainsi s'affirme donc , ici, le personnage argentien ; la vie décidément identifiée à un film que l'on projette, visionne (que l'on imagine ?).

La mise en scène de Dario Argento se révèle assez paresseuse et banale.
Rien ici de neuf ni de surprenant !
Atmosphère, décors, photographie ...: tout est de bonne facture mais sans recherche.

Et si le réalisateur nous gratifie de quelques tics autoréférentiels (les gros plans sur les verrous ; les vues subjectives de la caméra ; un meurtre brutal (un crâne, fracassé à coups de pillon) ...) tout ceci sonne creux et presque bâclé !



Bien sûr, la combinaison perpétuelle du rouge, du bleu et du jaune revient constamment, que ce soit au niveau des teintes des décors ou de celles des éclairages ou des accessoires et des vêtements ...
Mais, après coups, rien ne marque ni n'enthousiasme vraiment, surtout pas les notes un peu grivoises (filles dénudées sur fonds musical digne d'un téléfilm érotique !) ou humoristiques ( les interventions de la clocharde ; la mère et le beau-père de Julio ...)














La musique créée par Pino Donaggio s'avère globalement agréable et réussie.
Elle reflète, au final davantage que le film qu'elle illustre, la recontre d'Argento et de Hitchcock, parodiant par instant Bernard Herrmann avec talent, se faisant tour à tour obsédante, mystérieuse, angoissante ou vulgaire.

Finalement qu'ajouter sur ce projet qui aurait mérité plus de moyens, davantage d'investissement, de cruauté, de développements ...
L'entreprise aurait pu déboucher sur une relecture aussi troublante que passionnante de l'oeuvre d'un maître par son admirateur transalpin ...
L'idée nécessitait l'emphase, l'espace et des capitaux cinématographiques ; elle n'aboutit qu'à un ersatz télévisuel qui ne se distingue guère d'une production lambda ! Dommage !
La télévision banalise, enlaidit, ternit et bouffe le cinéma.
Si tels étaient l'opinion et le message de Dario Argento, "Vous aimez Hitchcock ? "s'en ferait la démonstration adéquate.








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