



Julio, jeune étudiant en cinéma un brin voyeur, s'intéresse à sa plantureuse voisine, Sacha, qui semble entretenir des relations plus qu'houleuses avec sa mère.
Au vidéo-club du quartier, il surprend la rencontre de la jeune fille avec Federica. C'est le DVD d'un film d'Alfred Hitchcock, "L'Inconnu du Nord-Express", qui rapproche les jeunes femmes : l'intrigue de l'oeuvre tourne autour de l'accord, conclu à bord d'un train, par deux hommes qui souhaitent tous deux se débarrasser d'une personne de leur entourage, l'un se chargeant du crime de l'autre pour permettre alibi et disculpation...
Julio espionne les deux étranges filles qu'il imagine prêtes à vouloir s'inspirer de ce film !
Et, lorsque la mère de Sacha est sauvagement assassinée, ses souçons prennent réellement corps.
Le jeune homme n'aura de cesse d'en avoir le coeur net, d'empêcher le second meurtre, réciproque logique du plan manigancé par les belles, et de démasquer ces criminelles.
L'affaire se révélera beaucoup plus épineuse que prévu !
Réalisé pour le compte d'une chaine de télévision italienne, "Vous aimez Hitchcock ? " succède au beau "Card Player".
Production télévisée oblige, sa modestie et sa retenue optent pour une intrigue policière classique, qui se singularise cependant (et comme son titre l'indique) par une touche ludique et référentielle à l'oeuvre du maître du suspens : Alfred Hitchcock.
Le film est effectivement parsemé de citations et de clins d'oeil, plus ou moins flagrants, aux célèbres productions de celui-ci.
Malgré ce parti-pris passablement alléchant, cette nouvelle création de Dario Argento souffre d'une trop grande sagesse et s'avère, au final, infiniment décevante !

Bien entendu, le statut de téléfilm de cette oeuvre explique bien des choses et supporte mal une comparaison avec les autres créations du cinéaste ; pourtant, les réalisations qu'il concoctera ensuite ("Jenifer" et Pelts"), elles aussi pour des chaines télévisées (certes, américaines et privées !) se révéleront bien plus personnelles et réussies, totalement en osmose avec son univers et à leur place dans la filmographie de l'italien.
"Vous aimez Hitchcock ? " aurait mérité un traitement moins léger !
Il est amusant de constater, une nouvelle fois, que Dario Argento ne semble jamais moins fidèle à lui-même que lorsqu'il se lance dans des hommages avoués !
"Le Chat noir" et surtout "Le Fantôme de l'Opéra" prouvaient déjà, par le passé, sa difficulté à s'affirmer pleinement quand il s'inspirait ouvertement d'autres et célèbres auteurs (Poe, Gaston Leroux).
Ici, Hitchcock ne dépasse jamais le statut d'une citation finalement agaçante et aussi creuse qu'elle s'avère désincarnée ; enlaidie au lieu de sublimée, pompée au lieu d'être franchement réinterpretée ...
Le choix d'une référence aussi "énorme" paraît avoir paralysé Argento, qui, du coups, ne s'autorise presque rien, semblant s'être acquitté proprement du "cahier des charges" sans jamais s'engager ni oser se faire plaisir.
Ainsi le suspens se trouve-t-il, lui-même, gâché par une mise en scène trop neutre ; et le jeu (comme souvent) approximatif des acteurs qui ne trouve guère d'autre contrepoint ou soutien que lui-même, peine à capter et à retenir l'attention du spectateur.
Les coups de théatre et les moments forts de l'histoire paraissent semblablement trop timorés, peu surprenants et comme affadis, et, même visuellement, le film recèle bien peu de charme et de singularité.

ces gros plans sur les mécanismes des serrures, tout droit sortis d' "Inferno" ; ces autres allusions, à "Phenomena" lorsque la caméra s'envole le long de grands arbres, au "Syndrôme de Stendhal" pour ce soulignement inquiétant des statues et des détails des architectures ...

Et même en s'amusant à citer Hitchcock, c'est, malgré tout, de lui que Dario Argento nous parle le plus, exprimant toujours les thématiques et les figures qui lui sont coutumières (L'Oeil et le regard ; le mensonge et l'apparence ; la ville ; le rêve ; l'Enfance et la famille ...), mais d'une manière plus désincarnée, plus banale et peu concernée que jamais !
Le film est tout au plus sympathique, mais il souffre réellement d'un manque d'engagement, de prises de risque et de surprise.
Les lignes et les pistes ébauchées auraient cependant pu déboucher sur une oeuvre beaucoup plus passionnante et sensée.
Regarder (observer, visionner, étudier, filer, espionner, épier...), voilà le thème majeur qui charpente toute l'histoire (un thème argentesque par excellence !)

Le héro est un jeune étudiant en cinéma :
regarder et disséquer les films, c'est son dada, sa passion, son boulot.
Lorsque l'intrigue débute, Julio planche sur un mémoire portant sur le cinéma expressionniste. Pendant le générique, la caméra détaille les murs, placcardés d'affiches, de sa chambre, une chambre qui aurait pu être celle du réalisateur où Hitchcock et Fritz Lang se disputent la palme.


L'expressionnisme allemand, Dreyer, Murnau ...; les fleurons hitchcockiens ("Psychose", "Marnie", "Vertigo"...) mais également les films de Dario Argento lui-même et ceux d'Asia, sa fille (on peut noter les affiches de "Card Player" et de "Scarlet Diva" sur la porte du vidéo-club !)

Films dans le film :
suivis (Julio visionne sur sa télévision la fin de "Nosferatu" (où le vampire meurt et se dématérialise devant une fenêtre grande ouverte) avant d'espionner sa voisine par la sienne ;


et par le réalisateur (qui cite pèle-mèle et plus ou moins explicitement "Fenêtre sur cour", "Le Crime était presque parfait", "Sueurs froides", "Psychose" et "La Mort aux trousses" ...)









"Film" d'un souvenir marquant qui introduit l'oeuvre et que l'on retrouve sous la forme d'un cauchemard qui réveille le héro.

"Film" que se fait Julio :
il imagine toute une intrigue policière dans laquelle il s'immerge dans le rôle du détective ; et la réalité épouse bientôt ses élucubrations et s'avère correspondre à ses "envies", à ses soupçons plutôt hasardeux, à son besoin de (se) faire du cinéma !
Son regard de spectateur retrouve (suscite ?) dans le monde réel tous les émois et les mystères de la fiction, d'une manière aussi fortuite qu'attendue ; l'environnement familier peut alors devenir le décor d'un thriller intrigant et l'écran des fenêtres, par lesquelles on guette, succède à celui de la télévision.
Le cinéma imprègne tellement le héro qu'il va contaminer sa perception des choses et permettre à Julio de façonner sa vie à l'image d'un polard.
Regarder des films et se faire les siens !
Regarder les autres.
Voyeur, Julio prend l'habitude de guetter et d'épier sa voisine d'en face.
Tout d'abord figurée comme un objet de désir, potentiellement dangereux (le héro a une petite-amie et est lié par son couple), celle-ci se matérialisera finalement comme la coupable machiavélique qu'il ne possèdera jamais autrement que par le biais de sa résolution de l'intrigue policière et par l'arrestation de cette criminelle !
Le voyeurisme, présent dès l'introduction qui évoque Julio, enfant, spectateur trop curieux des manigances de deux "sorcières" hystériques, trouve, ici, une sorte de légitimité et de justification puisqu'il amène à la punition des coupables.





"Vous aimez Hitchcock ? " pousse l'argument jusqu'au bout, puisque, par un heureux (et invraisemblable) coups du hasard, la réalité vient correspondre au désir.
L'histoire parvenue à son terme, on pourrait presque se demander dans quelle mesure tout cela n'était pas uniquement un rêve ; le rêve d'un jeune étudiant en cinéma trop épris de thrillers !
D'ailleurs, au final, Julio abandonne l'idée d'un mémoire sur l'Expressionnisme (et le rêve, le Fantastique, le manicchéisme et une vision onirique et déformée des choses...) pour une étude du cinéma russe de l'époque stalinienne (autrement dit, un cinéma du réel, historique et quasi-documentaire !)
On pourrait gloser quant à un message sur le pouvoir du cinéma (et de ses images et ses archétypes), un cinéma qui ferait perdre les repères entre réel et fiction, sur son influence... ; Dario Argento ne va pas aussi loin et l'oeuvre n'a visiblement d'autre ambition que sa dimension (laborieusement) ludique !
(à suivre...)
(à suivre...)
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